En prélude à la Conférence des Parties (COP) qui se tiendra à Glasgow du 31 octobre au 12 novembre, les pays du Bassin du Congo réunis à travers leurs experts, ont initié un plaidoyer à l’endroit des bailleurs de fonds pour l’exploration des pistes prometteuses pour la préservation de la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. Dans cette interview accordée à Gabonreview, le Commissaire général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (Cenarest) et point focal Gabon du groupe intergouvernemental sur les changements climatiques (Giec), le Professeur Alfred Ngomanda, livre les objectifs de cette initiative dans le cadre du financement de la recherche en Afrique centrale.

Le Professeur Alfred Ngomanda, Commissaire général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (Cenarest) et point focal Gabon du groupe intergouvernemental sur les changements climatiques (Giec). © Gabonreview

 

Gabonreview : De quoi êtes-vous le nom ?

Alfred Ngomanda : Je suis le Pr Alfred Ngomanda, Commissaire général du Cenarest et point focale Gabon du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui est un organisme des Nations unies qui regroupe tous les experts et scientifiques travaillants sur les questions de sciences climatiques. Notre planète subit aujourd’hui une modification significative de son climat liée aux activités humaines, notamment l’utilisation des énergies fossiles. Le GIEC est ce groupement scientifique qui fait l’état des lieux du climat et qui donne des indications au gouvernement pour prendre des décisions qui permettent de réduire le réchauffement de la planète.

Vous participerez à la COP 26 à Glasgow pour le compte du Giec. En quoi consiste cet événement ?

En effet, du 31 octobre jusqu’au 13 novembre 2021, se tiendra à Glasgow en Ecorse, la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Un événement au cours duquel toutes les questions qui concernent le réchauffement climatique seront discutées à un niveau politique extrêmement élevé. C’est durant cet événement que les Etats décideront de l’effort qu’ils doivent fournir pour réduire leurs émissions du gaz à effet de serre afin de garantir un réchauffement climatique qui n’est pas très dommageable pour la planète.

Lors de la Cop21 à Paris, les Etats s’étaient engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de telle sorte que la température globale n’augmente pas à plus 1,5 degré, mais pour atteindre ce niveau de réduction, il faut qu’il y ait des mécanismes qui permettent de vérifier que les engagements pris par les Etats vont être atteints. Durant cette Cop 26, les Etats feront leur déclaration pour indiquer le niveau de réduction de gaz à effet de serre qu’ils atteindront.

Au regard du rôle crucial du Bassin du Congo dans les efforts mondiaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), sur quoi portera la parole de l’Afrique ?

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Sur le patronage des ministres de l’environnement en charge des forêts et du climat des pays du Bassin du Congo, nous venons de publier un plaidoyer dans une revue scientifique mondial «The Nature», où nous insistons pour que la recherche scientifique dans les questions de sciences climatiques soit soutenue en Afrique centrale. Il s’agit d’une initiative de promotion des sciences du climat dans le Bassin du Congo. Cela devrait comprendre un programme de recherche de 100 millions de dollars d’une décennie, lié à un fonds distinct de 50 millions de dollars pour former des ressortissants du bassin du Congo à devenir des scientifiques de niveau doctorat.

En effet, les forêts tropicales d’Afrique centrale sont ignorées ou minimisées. Les forêts du Bassin du Congo reçoivent beaucoup moins d’attention académique et publique que celles de l’Amazonie et de l’Asie du Sud-Est. Entre 2008 et 2017, le Bassin du Congo n’a reçu que 11,5 % des flux financiers internationaux pour la protection des forêts et la gestion durable dans les zones tropicales, contre 55 % pour l’Asie du Sud-Est et 34 % pour la région amazonienne. La région est négligée même par rapport au reste de l’Afrique. Par exemple, un programme clé de recherche sur le climat financé par le Royaume-Uni, appelé Future Climate for Africa, a investi 20 millions de livres sterling (27 millions de dollars) dans la modélisation et quatre projets axés sur l’Afrique orientale, occidentale et australe. Aucun ne s’est concentré sur le Bassin du Congo ou l’Afrique centrale.

Le résultat de cette négligence est clair dans les évaluations climatiques de haut niveau. L’Afrique centrale était l’une des deux seules régions du monde à ne pas avoir suffisamment de données pour que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat évalue les tendances passées de la chaleur extrême dans son rapport du Groupe de travail I de 2021 (l’autre était la pointe sud de l’Amérique du Sud).

Comment sera utilisé ce financement ?

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L’un des problèmes que nous avons dans le Bassin du Congo, c’est l’insuffisance de ressources humaines de qualité sur des questions de sciences climatiques. Les publications scientifiques sur les forêts tropicales sont produites par les chercheurs brésiliens ou asiatiques. Il y a très peu de publications qui sont élaborées par les chercheurs natifs de la région du Bassin du Congo. Il y a pourtant énormément de collaboration avec les universités internationales, mais les africains natifs n’ont pas encore cette capacité, cette force d’être des leaders en termes de recherche en sciences climatiques. Si ces fonds sont obtenus, nous souhaitons qu’ils servent à former les étudiants africains, natif du Bassin du Congo et qu’ils soient formés ici dans le Bassin du Congo pour permettre d’améliorer nos connaissances sur les forêts. Il s’agit d’un fonds destiné à la recherche, mais surtout au renforcement des capacités des chercheurs régionaux.

Un tel financement transformerait notre compréhension de ces forêts majestueuses, fournissant une contribution cruciale aux décideurs politiques pour les aider à adopter des politiques visant à éviter les crises environnementales imminentes de la région. Le Bassin du Congo est le deuxième poumon de la planète, il possède en son sein des arbres qui sont capables de capter le CO2 émis ailleurs et de le transformer en matière végétale. En termes de réchauffement, le Bassin du Congo est un tampon qu’il faut absolument préserver. Mais, si on vient à détruire ces forêts, on remettra 20% des émissions de gaz à effet de serre dans la nature, cela risque d’accélérer le réchauffement de la planète.

Votre plaidoyer va prospérer?

Nous sommes optimistes et avons actuellement de très bons échos de nombreux bailleurs qui ont fait la même analyse que nous et estiment que la meilleure façon de préserver les forêts du Bassin du Congo, c’est d’avoir une meilleure connaissance de leur fonctionnement. Pour les préserver également, il faut avoir des acteurs qui comprennent, connaissent comment elles fonctionnent et qui sont capables d’expliquer aux populations locales les moyens et les techniques qui permettent de gérer au mieux ces forêts.

 
GR
 

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