Le gouvernement dit vouloir préserver la santé des populations. Mais sa pratique politique ne convient pas aux questions de santé. Elle ne garantit pas non plus la légalité du dispositif actuel.

Comme s’il était aux prises avec le peuple, le gouvernement menace, bande les muscles, annonce de nouvelles amendes. Comme si la covid-19 était devenue la première cause de mortalité au Gabon, il prend des mesures toujours un peu moins intelligibles. © Gabonreview/Shutterstock

 

Au commencement, le gouvernement affirmait agir par principe de précaution et pour protéger les populations. Faisant mine de respecter les procédures, il s’était doté d’un mécanisme juridique et institutionnel : d’une part la loi n° 003/2020 du 11 mai 2020 relative aux catastrophes sanitaires, amendée par l’ordonnance n° 007/PR/2020 du 14 août 2020 ; d’autre part, le Comité de pilotage du plan de veille et de riposte contre l’épidémie à Coronavirus (Copil) et le Comité scientifique. Mais, depuis quelques temps, il semble ne plus s’embarrasser de scrupule. Comme s’il était aux prises avec le peuple, il menace, bande les muscles, annonce de nouvelles amendes. Comme si la covid-19 était devenue la première cause de mortalité au Gabon, il prend des mesures toujours un peu moins intelligibles. Pour mettre en application son dispositif, il mobilise les hommes en armes, subitement devenus des experts en médecine préventive.

De nombreuses questions

Même si tout le monde semble s’en accommoder, ces modalités de prise des décisions ne conviennent nullement aux questions de santé. Quelle garantie de légitimité d’une stratégie sanitaire quand tout est décidé d’autorité, sans concertation aucune et, sans recueillir le libre consentement des potentiels malades ? Ou quand les bénéficiaires supposés ont la conviction d’être soumis à un diktat ? Comment susciter l’adhésion populaire quand l’opacité est la règle, quand des rumeurs de corruption fusent çà et là ? Ou quand les opérations exhalent un parfum d’extorsion de fonds au détriment du petit peuple ? Comment faciliter l’acceptabilité sociale quand les conclusions d’une commission d’enquête parlementaire, convoquée à grand renfort médiatique, sont toujours attendues ?

Certes, le gouvernement dispose de la latitude de prendre «toutes mesures de nature à prévenir, lutter et riposter contre la catastrophe sanitaire.» Mais, la légalité du dispositif actuel n’est pas garantie. Pis, sa pratique politique soulève de nombreuses questions. D’abord, sur la durée de cet état d’exception. Les 45 jours prescrits par la loi ne sont-ils pas dépassés ? Ensuite, sur les conditions de prorogation. Le gouvernement est-il fondé à prendre une ordonnance pour instaurer un régime dérogatoire à l’Etat de droit ? D’un point de vue éthique et démocratique, peut-il remplacer le vote parlementaire par une délibération du Conseil des ministres ? Que resterait-il alors du pouvoir de contrôle reconnu au Parlement ? Enfin, sur la proportionnalité et la pertinence scientifique des mesures édictées. Comment y croire quand le Comité scientifique brille par son mutisme ? Ou quand le ministre de la Santé joue les utilités aux côtés de son collègue de l’Intérieur ?

Haine de soi et gabono-pessimisme

Evoquant la lutte contre la covid-19, le 11 du mois courant, le président de la République avait parlé de «décisions (…) susceptibles  (de) perturber (les) vies quotidiennes (des citoyens)». A en croire ses dires, il était urgent de «protéger» les populations en vue d’«accélérer le retour à la vie normale.» Le lendemain, le gouvernement apportait des précisions. Depuis lors, la vie sociale s’est muée en un capharnaüm indescriptible : embouteillages interminables, ponctués de bagarres entre automobilistes ; attroupements aux heures de pointe ; fermeture des structures spécialisées dans la restauration, y compris les boulangeries ; distribution d’amendes hors de toute base légale et sans égard pour les procédures… Dans ce contexte, une sourde colère gronde. Doublée d’un sentiment d’humiliation, elle irrigue une haine de soi voire un gabono-pessimisme montant.

Le gouvernement dit être en lutte contre la covid-19. Affirmant vouloir préserver la santé des populations, il dit craindre la «résurgence de la pandémie (…) et la mutation du virus.» Mais sa stratégie se révèle contre-productive voire nocive. Sa rhétorique, elle, tient du raisonnement fallacieux. Peut-on lutter contre une épidémie en faisant fi des déterminants de santé ? En médecine, l’alimentation, les conditions de travail, l’hygiène de vie ou les relations sociales revêtent une importance comparable à celle de l’accès aux soins. En absence de ces éléments, toute politique de santé est vouée à l’échec. Au-delà, elle peut conduire à une catastrophe aux effets durables. Aux uns de l’entendre, aux autres de le comprendre.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Ernest dit :

    Pour vous résumer: Ali Bongo est bien MORT. CQFD. Il n’y a plus de commandant de bord dans le paquebot Gabon. Ou plutôt si: sainte Sylvia Valentin avec le bienheureux Nourredine Valentin, tous deux fortement inexpérimentés. Déjà que BOA était complètement NUL. Et maintenant nous devons encore subir pire que lui… Pauvre Gabon. Nous ne méritons vraiment pas ça.

  2. Lavue dit :

    Le post de Roxane est limpide comme l’eau de source. Tout le problème du Gabon aujourd’hui c’est la qualité des hommes qui possèdent le pouvoir. Tout part de là. A ça si vous y ajoutez le clientélisme et la corruption entretenus par une économie de rente déstabilisée par les crises successives, vous pouvez facilement comprendre pourquoi le pays est piloté à vue. Avec des personnes de faibles niveaux on ne peut pas s’attendre aux miracles, l’entrée au gouvernement ou dans une loge maçonnique ne saurait rendre les membres intelligents. Nous avons de piètres dirigeants et la gestion du Covid-19 qui aurait dû être une occasion pour eux de s’affirmer, démontre aux yeux de la population leur incompétence notoire. Tout ce qu’ils savent c’est la violence physique en vers le peuple, les passages en force. On en sait quelque chose depuis 2009 et 2016. Le Gabon de 2021 ne saurait être celui de 1967, les gens sont plus instruits, plus éduqués et le monde plus ouvert.
    Ceux qui ont confisqué la gestion du pays peuvent-ils simplement le comprendre? Pour les raisons évoquées plus haut, J’en doute sérieusement.

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