Si les dispositions statutaires ne sont pas d’application aisée, les situations personnelles des deux principaux dirigeants du Parti démocratique gabonais (PDG) complexifient l’équation.

En mêlant membres du secrétariat exécutif et du conseil consultatif des sages, le secrétaire général adjoint du PDG, Luc Oyoubi, a agi en marge des statuts. S’il voulait redonner espoir aux siens, il s’est surtout inscrit dans l’informel. © GabonReview (Montage)

 

La présence de nombreux militants du Parti démocratique gabonais (PDG) au sein des organes de la Transition sème doute et circonspection. Pour une partie de l’opinion, ces nominations traduisent une volonté de restauration non pas des institutions, mais de l’ordre ancien. Pourtant, en cette période de remise à plat, le PDG semble à la peine, taraudé par l’incertitude. Sur son financement, comme sur le choix d’un leader ou la formulation d’une offre politique, rien ne semble acquis. Même si son secrétaire général adjoint a récemment annoncé une réunion de ses principaux dirigeants, c’est encore la bouteille à l’encre. Contrairement à une idée répandue, au-delà de l’insouciance de ses cadres, l’ex-parti unique a été ébranlé dans ses fondements par l’arrivée au pouvoir du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).

Costume sur mesure

Un peu plus de deux mois après le coup de force du 30 août dernier, le PDG navigue en eaux troubles. Ses ténors ont beau proclamé avoir «le sentiment du devoir accompli», se refuser à toute remise en cause, afficher une certaine désinvolture, ils ne savent comment reconstruire la machine. Ses cadres ont beau occuper des fonctions au Parlement ou dans la haute administration, ils se savent au bord de la crise de leadership voire d’un procès en légitimité. Ses militants ont beau afficher leur soutien au CTRI ou se dire déterminés à aller de l’avant, ils ne savent comment se remobiliser. En dépit des apparences, tout ce beau monde fait face à cette réalité implacable : conçu par et pour Omar Bongo, le PDG a ensuite été adapté aux mensurations d’Ali Bongo. Tel un costume sur mesure, il a été taillé pour lui et en fonction de lui. Sur l’organisation et le fonctionnement, comme sur les investitures aux élections, la discipline ou la gestion du patrimoine et des ressources, le Distingué camarade président (DCP) a la haute main.

N’en déplaise à son secrétaire général adjoint, le PDG est dans l’impasse. Et pour cause : défini comme «le chef suprême du parti», son président dirige «tous les organes centraux, délibérants et consultatifs». Autrement dit, il contrôle le congrès, le conseil national, le bureau politique, le comité permanent du bureau politique et le conseil consultatif des sages. Luc Oyoubi peut toujours convoquer une réunion. Rien ne dit comment fera-t-il pour procéder au renouvellement des organes, le président étant seul habilité à proposer au congrès «la liste des membres» des différentes instances. Or, Ali Bongo a définitivement été écarté de la vie politique par l’irruption du CTRI. Pis, de notoriété publique, son état de santé ne lui permet plus d’assumer certaines charges. Son remplacement ? Moult fois évoquée, cette perspective est difficilement envisageable. Du moins, aux termes de l’article 35 des statuts, l’empêchement définitif devant être «constaté par le bureau politique sur saisine du secrétaire général

Sac de nœuds

À l’évidence, Luc Oyoubi est face à un sac de nœuds. Steeve Ndzegho Dieko étant assigné à résidence, on l’imagine mal se prêter à une telle manœuvre. S’il venait y souscrire par un heureux hasard, le bureau politique ne pourrait se réunir, la fixation de l’ordre du jour étant de la responsabilité du président, c’est-à-dire… d’Ali Bongo. Si les dispositions statutaires ne sont pas d’application aisée, les situations personnelles des deux principaux dirigeants du PDG complexifient l’équation. Ni la reconstruction des instances ni le passage de témoin ne s’en trouvent facilités. Pis, on n’est pas à l’abri d’un coup de théâtre, un membre de la parentèle d’Ali Bongo pouvant toujours affirmer ses prétentions. Comment réagiraient les ténors du PDG si Malika Bongo brandissait un document signé de son père ? Que retorqueraient-ils si la fille aînée et héritière politique putative du DCP venait à exprimer des ambitions ?

En réalité, la réunion convoquée par Luc Oyoubi est révélatrice de bien de choses. En mêlant membres du secrétariat exécutif et du conseil consultatif des sages, le secrétaire général adjoint du PDG a agi en marge des statuts. S’il voulait redonner espoir aux siens, il s’est surtout inscrit dans l’informel. Du coup, les décisions de ce conclave ne sauraient être opposables aux militants. Tout au plus, elles peuvent être assimilées à des orientations. Mais là encore, d’aucuns pourraient crier à l’usurpation, le président étant seul autorisé à orienter les activités et à veiller au respect des idéaux, valeurs et de la ligne politique du parti. A beau retourner la question dans tous les sens, on ne voit toujours pas comment le PDG survivra à la chute d’Ali Bongo.

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Gayo dit :

    A la prochaine présidentiel, ce parti dont l’égoïsme est un pilier parmi ses valeurs présentera un candidat altogoveen ou logoveen, si ce n’est un Bongo. Jamais ils ne seront capables de se remettre en cause et comprendre que les gabonais veulent un changement profond gage d’espoir qui veut que le prochain président ne soit pas un Bongo, ni un altogoveen pour l’éthique et la promotion d’une culture de partage apres 56 ans d’une gouvernance tribale et ethnique maquillé d’une géopolitique de façade.

  2. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour R. Bouenguidi,

    Je me souviens d’un film gabonais : »Demain, un jour nouveau ». Depuis le 30 août 2023, le Gabon vit un jour nouveau: sans le Pdg et sans la famille régnante.

    J’ai souvent écouté une chanson gabonaise à classer dans la catégorie rap. Elle est née au début des années 1990 après la chute du mur de Berlin. Chantée par le groupe V2A4. Le titre : « Révolution ». Quelques paroles tirées de la chanson:

    « … Il se passe vraiment des choses bizarres en Afrique. Tous les présidents sont des génies d’affaires que ce soit en dollars ou en franc français. Les deniers publics sont mal répartis. Ca fait l’avantage d’un parti unique. C’est bien beau « l’abolition de la démocratie » (1), mais ça n’empêche pas que l’argent soit déjà parti. Les détournements de fonds sot une spécialité (…) la meilleure façon pour nous d’espérer c’est de combattre les inégalités de ce mal aimé. Ce sera dur, (…) » Refrain : Révolution (*8).

    « … les règlements de comptes ont plus ou moins commencé. Il y a en déjà qui ont pu déjà essayer de s’échapper. Les batailles politiques, la guerre ethnique, …

     » (…) on compte sur les ressources naturelles du pays sans savoir qu’ils se partagent le butin en famille; ils forment des clans, de brigands, on y peut rien ce sont des tyrans, que voulez-vous, c’est la vie, mais ils n’iront pas au paradis ».

    « S’il existe un bon Dieu dans ce continent pourri, il ferait mieux de sortir de son trou béni, car le temps ne fait que passer à vitesse grand V, et ce sont toujours les mêmes qui sont prêts à gouverner (…) »

    Je dis une chose: Le Gabon sera meilleur sans le Pdg et sans la famille Bongo. Que cette famille en prenne conscience et se retire dans l’ombre. Le CTRI a permis de mettre le Pdg et son Kaiser dans un « cercueil à deux place ».

    Bien à vous!

    (1) Erreur dans le texte original!: C’est bien beau l’abolition de la « dictature », et non démocratie.

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