Le président français s’est longtemps présenté comme le héraut du «nouveau monde». Mais, «son ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale» ne procède ni d’une volonté de promouvoir l’Etat de droit, ni d’un désir de contribuer au renforcement de la démocratie et, encore moins, d’une prise en compte des attentes du peuple tchadien.

Ayant pourtant promis de faire entrer son pays dans le «nouveau monde», Emmanuel Macron a pris acte de la mise en place d’un conseil militaire de transition (CMT) dirigé par le fils du président défunt. Comme si le Tchad était une monarchie. Comme si ce pays n’avait pas de Constitution. © Issouf Sanogo/ AFP

 

Parvenu au pouvoir en promettant de faire entrer son pays dans le «nouveau monde», Emmanuel Macron a essayé de faire illusion. En novembre 2017, à Ouagadougou, il affirmait ne pas avoir de «politique africaine». Se démarquant de cette Françafrique de sinistre réputation, il proclamait son désir de regarder le continent «en face». Abjurant la notion de pré-carré, il invitait l’Union européenne à s’engager en faveur d’un dialogue au niveau continental. Tout en disant ne pas avoir de «leçon à donner», il se posait en champion de la démocratie et de l’Etat de droit, indiquant vouloir contribuer à les rendre «irréversibles». Dénonçant le terrorisme et le fondamentalisme religieux, il appelait à «construire des États libres, séparés du religieux «. Quatre ans plus loin, ces orientations sont devenues de simples incantations.

Penser aux 16 millions de Tchadiens et à leur devenir

Depuis le lancement du G5-Sahel, Emmanuel Macron use des méthodes de «l’ancien monde». Sombrant dans le paternalisme, il s’est autorisé à «convoquer» ses pairs africains en janvier 2020 à Pau. Depuis, l’annonce du décès d’Idriss Déby Itno, il ne s’embarrasse plus de scrupule. S’il s’est gardé de s’exprimé personnellement, l’Elysée a regretté «la perte d’un ami courageux (…)», prenant acte de la mise en place d’un conseil militaire de transition (CMT) dirigé par le fils du président défunt, par ailleurs ancien chef de la garde présidentielle. Comme si le Tchad était une monarchie. Comme si ce pays n’avait pas de Constitution. Comme si le mécanisme d’intérim n’était pas prévu. Comme si les militaires avaient vocation à faire de la politique.

Pour justifier cette attitude d’un autre âge, la France a exprimé «son ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale du Tchad ». Mais, cette argumentation ne procède ni d’une volonté de promouvoir l’Etat de droit, ni d’un désir de contribuer au renforcement de la démocratie et, encore moins, d’une prise en compte des attentes du peuple tchadien. Quelle stabilité quand, depuis près de 40 ans, le Tchad est le théâtre de confits divers ? Quand l’armée française est régulièrement obligée d’intervenir pour assurer la survie du pouvoir en place ? Ou quand les institutions sont assujetties à une famille ? Quelle intégrité quand des rebelles peuvent faire incursion à l’intérieur du territoire avec une déconcertante facilité ? Certes, d’un point de vue géopolitique, la disparition d’Idriss Déby Itno ouvre sur une période d’incertitude. Mais on ne saurait réduire l’enjeu à la lutte contre le terrorisme et à la pacification du Sahel. On doit songer à construire un Etat tchadien viable. Mieux, on doit penser aux 16 millions de Tchadiens et à leur devenir.

Sacrifiés sur l’autel d’intérêts étrangers

Comme tous les peuples, les Tchadiens rêvent de liberté et de démocratie. Ils aspirent au mieux-être et au développement. Victimes des intérêts de puissances extérieures, ils veulent prendre leur destin en mains. Longtemps privés de leurs droits élémentaires, ils aimeraient les recouvrer pour construire le pays de leurs rêves. Ayant vécu sous une autocratie moyenâgeuse, ils souhaitent le développement de contre-pouvoirs. Ayant soupé des parodies d’élections, ils militent pour la transparence électorale. N’ayant tiré aucun bénéfice de la manne pétrolière, ils veulent en finir avec la gestion patrimoniale de la chose publique. Pour toutes ces raisons, la communauté internationale aurait dû se prononcer pour le respect de la Constitution et le retour des militaires dans les casernes ou à leurs missions régaliennes. Faute de l’avoir compris, elle a laissé le sentiment de chercher à confisquer le destin de tout un peuple. Pour avoir fait le déplacement de Ndjamena, Emmanuel Macron a renvoyé de lui-même l’image d’un colonialiste d’un autre temps.

En adoubant le CMT et son chef, le président français espérait garantir la survie du G5-Sahel et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Autrement dit, le Tchad et son peuple ont été sacrifiés sur l’autel d’intérêts étrangers, notamment français. Même si on ne saurait reprocher à un chef d’Etat de penser d’abord à son pays, on peut plaider pour moins de cynisme. Surtout de la part du chantre du «nouveau monde». Reste maintenant à voir si les forces sociales tchadiennes s’en laisseront conter. Déjà, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) en appelle à une «dialogue national inclusif». Le collectif «Wakit Tama» exige «l’implication et la participation de tous les acteurs, qu’ils aient ou non pris les armes pour conquérir le pouvoir». C’est dire si les Tchadiens ne veulent plus voir leur pays être ravalé au statut de pourvoyeur de chair à canon. Dans ce contexte, l’action des chefs d’Etat africains sera suivie de très près. Mais, pour bien longtemps encore, Emmanuel Macron se verra reprocher son refus de dénoncer la mise entre parenthèses de l’ordre constitutionnel.

 
GR
 

16 Commentaires

  1. Julien dit :

    Vous qui écrivez cet article, ne me faites pas croire que vous ne comprenez toujours pas à francafrique ou une autre expression: la cellule africaine de l’Elysée ? Vous n’avez pas dans le pouvoir français une cellule asiatique – américaine – Sud américaine de l’Elysée. C’est seulement la seule cellule qui existe dans le fonctionnement du système politique français: la cellule africaine de l’Elysée. Et pourquoi d’après vous ? A cause de l’importance des richesses naturelles de notre Continent. C’est ce continent qui fait de ce petit pays qu’est la France une soi disante puissance. Cette France n’est absolument rien sans notre Gabon, sans notre Afrique. Elle n’est absolument rien.

    Tous les chefs d’État qui ont succédés à Giscard D’Estaing (de Mitterrand jusqu’à Macron aujourd’hui) ont toujours promis rompre avec la francafrique Et ne l’ont jamais concrétisé. Pourquoi ? Une fois qu’il prenne les commandes du pouvoir, ils se rendent bien compte que s’ils lâchent l’Afrique s’en est fini de leur soi disante puissance.

    Continuez à croire qu’Ali Bongo est vivant, ou même celui du Cameroun. Tous deux sont bien morts. Et pendant ce temps, cette cellule africaine de l’Elysée prépare les différents scénarios possibles pour nos pays.

    Continuez à croire que ces mêmes français ne sont pour rien dans tout le désordre qui se passe en Afrique. Continuez à prendre leur défense. Tant mieux pour vous. Ce que je sais, c’est qu’elle n’acceptera jamais un président élu démocratiquement au Gabon. Attendons nous à une élection présidentielle truquée, ou alors un autre scénario pour nous imposer le sous préfet de la France au Gabon. Et ça, elle le prépare depuis la disparition d’Ali Bongo en octobre 2018. J’aimerai voir la tête que vous allez faire quand ces français vous annonceront son décès. A moins de le faire en faisant croire qu’il a été assassiné. Car sur leur table, il y a tous les scénarios possibles.

    Il n’y a ni pétrole, ni manganèse, ni uranium, etc, en France. Comment voulez-vous qu’elle se passe de notre Continent Africain ? C’est tout simplement impossible de se passer de notre Afrique qui est sa vache à lait. Elle s’en ira quand cette vache ne pourra plus produire du lait.

    • Luc Ongotho dit :

      @Julien. Vous êtes hors sujet et vous vous lancez dans des affirmations et accusations de bar… L’auteur dit bien que l’avenir du Tchad est sacrifié au nom d’intérêts étrangers et français… Quant aux décès que vous annoncez, il faut être bien illuminé pour le faire…

      • Irène dit :

        @Luc Ongotho, prouvez nous que votre président assassin Ali Bongo vit encore ?

        • Pascal NGOUA dit :

          IL NE PEUT ET NE VEUT LE FAIRE. ALI BONGO EST BIEN MORT.
          LE RESTE, C’EST JUSTE POUR GAGNER DU TEMPS.

          • Bassomba dit :

            Vous qui prétendez que le Président de la République du Gabon, Chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba est mort, vous avez atteint un niveau de ridicule terrible! Montrez nous sa tombe? Ebahis, ridicules
            En fait vous avez souhaité ardemment que l’AVC le tue, mais ce n’était pas dans les plans de Dieu; ça vous fait rager qu’il ait survécu à l’AVC. Beaucoup qui ont souhaité sa mort sont entrain de mourir mais Dieu garde encore Ali en vie, car il a d’autres plans pour lui. Pleurez de rage si ça peut vous soulager, Ali est encore là, et s’il plaît à Dieu, il va rebeloter en 2023.

          • Teddy dit :

            @Bassomba, rien de tel aussi de nous prouver que votre idole Ali Bongo est bien vivant. Faites nous ça. On sait d’avance que vous n’y arriverez pas. Cessez d’être ridicule et manipulés par la francafrique.

          • Bassomba dit :

            @Teddy mais c’est vous qui dites qu’il est mort, c’est à vous de le prouver. Pour nous Ali Bongo a toujours été vivant depuis sa naissance jusqu’aujourd’hui. Il est Président de la République depuis 2009. Puis voilà qu’on entend qu’il est mort, c’est à ceux qui le disent de le prouver c’est tout.

    • jean blémont dit :

      tant que la france pourra se servir au gabon comme dans un supermarché ouvert, elle le fera, et c’est absolument normal, l’état français s’occupe des intérets de la France, pas de celui des gabonais, et l’amitié n’existe pas entre nation, seul les affaires existent.
      Quand ENFIN vous aurez compris ça, vous aurez fait un grand pas en avant.
      Maintenant sans la corruption totale du pays, sans la jalousie et la haine des ethnies entre elles, sans la sauvagerie et la pratique de la sorcellerie à tout va, sans la voracité des élites du gabon , sans la main mise de la famille bongo sur l’état et ses richesses, et pour finir sans l’immense racisme du gabonais envers les blancs, surtout les français, peut etre alors que les choses seraient moins difficile pour le peuple du gabon.Peut etre qu’en balayant déja chez vous, sans invectiver à tout bout de champs, seriez vous capables de vous en sortir, mais bon la , j’ai de serieux doutes.
      Maintenant la position de la France dans le monde, comparé au gabon, c’est comparer une moto de grand prix avec une bicyclette aux deux roues crevées.

  2. Le Patriote dit :

    On ne peut pas reprocher à un Chef d’État de défendre les intérêts de son pays. C’est de bonne guerre. Les Africains doivent comprendre que, dans les relations internationales, il n’y a pas d’amis, il n’y a que des intérêts. Le reproche que nous devons faire à nous mêmes c’est cette passivité, comme si l’homme noir a des prédispositions pour être toujours esclave. Pourquoi les Tchadiens ne marchent ils pas à Paris pour dénoncer ce discours cynique tenu en terre tchadienne par le président français ? Pourquoi les activistes gabonais vont-ils tous les samedis au Trocadéro pour insulter BOA ? Ne se trompent ils pas de cible ? Pourtant, si une leçon a été bien comprise par tous, c’est que la la France est la source de tous les maux d’Afrique. Alors, pourquoi les activistes gabonais ne marchent ils pas à Paris pour demander à la France de libérer le Gabon ? La réponse est que nous mêmes nous sommes hypocrites.

    • Fiacre dit :

      Nous attendons Jésus Christ pour nous délivrer. Seulement voilà, nous avons oublié qu’il était blanc. Donc…

      • Moïse Jésus-Christ dit :

        Il faut vous rééduquer frérot.Les vrais Hébreux de la Tora et de la Bible ils sont Noirs.Des Africains Afrique Noire. Moïse des Juifs est Noir. Jésus-Christ des Chrétiens est Noir. Les nouveaux Israéliens ils sont turcs de Turquie.Les Khazars. Ils sont des convertis. Ils ont pris et ils pratiquent les coutumes et les traditions des Noirs

      • Moïse Jésus-Christ dit :

        Moi je suis de Lomé. Voici la liste des noms des mois Hébreux Ivrits que nous avons chez nous au pays et dans toute l’Afrique Noire : Tichri Heshvan Kislev Tevet Shevat Adar Nissan Iyar Sivan Tamouz Av Eloul.
        Tichri est le premier mois de l’année Juive.
        Nissan est le premier mois de la Tora et de la Bible.
        Tout est Hébreu Ivrit chez nous les Noirs les Africains. Kra Noir Tora Noir Tona Noir Tana Noir Bible Noir Oui

  3. Gaston dit :

    Voici un vrai SOUS PRÉFET de la France au Tchad. Regardez comment il est en position de soumission. Voilà l’Afrique CFA.

  4. Bernadette dit :

    Les chinois font tout pour dominer le monde. Les allemands et japonais ont essayés sans y arriver. Les américains demeurent encore les plus forts de cette planète. Les Européens se cherchent, mais ne peuvent être une puissance sans les matières premières de l’Afrique. La France surtout ne peut se passer de notre Continent. C’est notre Continent qui lui permet d’exister en tant que petite puissance.

    Et dans tout ça, notre Afrique refusé se se lever pour montrer qu’elle peut aussi rivaliser avec toutes ces puissances. Elle attend que la même France qui est son bourreau vienne la libérer des griffes des dictateurs que la même France installe dans nos pays d’Afrique comme des pantins.

    On va encore faire comment, suis je tenté de dire. L’avenir n’est pas rose du tout. Le ciel s’assombrit de plus en plus pour notre Continent. Et c’est regrettable. Nous avons tout sur notre Continent, mais nos yeux sont tournés vers les autres. Nous sommes encore au stade du tribalisme, de l’ethnicisme, du rejet de mon frère qui n’est pas de ma tribu, de mon clan, de mon ethnie, de mon pays…

    L’union africaine n’est pas pour demain. Cessons de rêver.

  5. diogene dit :

    Quelle stabilité quand, depuis plus de 50 ans, le Gabon est le théâtre de conflits divers ? Quand l’armée française est régulièrement obligée d’intervenir pour assurer la survie du pouvoir en place ? Ou quand les institutions sont assujetties à une famille ?

    Comme tous les peuples, les Tchadiens rêvent de liberté et de démocratie. Ils aspirent au mieux-être et au développement. Je ne sais pas sur quoi s’appuie cette assertion ?

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