Les organisateurs de la dernière présidentielle ne peuvent minimiser les déclarations de l’ancien garde des Sceaux. Répondre aux aspirations du peuple est une nécessité pour envisager l’avenir avec sérénité.
Séraphin Moundounga. © lopinion.fr

Séraphin Moundounga. © lopinion.fr

 

Séraphin Moundounga s’est mis à table. Il n’a certainement pas encore tout dit. Mais il a dit et confirmé beaucoup de choses sur la dernière présidentielle. Son témoignage permet aux observateurs de se faire une idée du climat au sommet de l’Etat après le 31 août dernier. Les organisateurs de cette élection ne peuvent, en conséquence, faire comme si de rien n’était.

Ancien président des jeunes du Parti démocratique gabonais (PDG), ancien secrétaire du groupe parlementaire, ancien questeur de l’Assemblée nationale, membre du gouvernement sans discontinuer durant le septennat échu, Séraphin Moundounga en sait un peu sur la pratique politique de la majorité. Ayant été de toutes les campagnes électorales, c’est un témoin privilégié, un acteur essentiel du jeu politique national. Son propos ne peut laisser insensible. Il interpelle, suscite des inquiétudes et incite à se projeter dans l’avenir.

De notoriété publique, Séraphin Moundounga a toujours entretenu d’étroites relations avec Guy Nzouba Ndama. On dit l’ancien Garde des Sceaux protégé voire surprotégé par l’ancien candidat à la présidentielle de 2016, par ailleurs ancien président de l’Assemblée nationale. Du coup, les motivations profondes de sa rupture avec Ali Bongo et le PDG peuvent prêter à débat. Chacun est libre d’y aller de son analyse et de ses conjectures. Mais on est bien obligé d’évaluer le sens et l’importance de ses assertions.

Portée des déclarations

En tout cas, les railleries sur le «mythe du hacker ivoirien piratant des procès-verbaux manuels» jettent le discrédit sur toute l’élite intellectuelle d’un pays où est pourtant installé l’Institut africain d’informatique (IAI). La dénonciation du refus de se plier à «l’expression du choix du peuple» en dit long sur l’état d’esprit des organisateurs des différents scrutins. L’allégation selon laquelle «personne n’avait été pris la main dans le sac en 2009» laisse éclater tout le cynisme des institutions. La mise à l’index de toute tentative de vouloir «cautionner l’existence d’un président au Gabon» confirme le déficit de légitimité de l’actuel exécutif. L’invitation au peuple à demeurer mobilisé pour «défendre son droit à la vie et le respect de son droit à choisir librement ses dirigeants» remet en cause l’ensemble des scrutins organisés depuis 26 ans maintenant. Les accusations concernant «un tyran devenu sanguinaire» relancent le débat sur le bilan réel des événements postélectoraux.

Fiers-à-bras comme toujours, les propagandistes de l’actuel exécutif tenteront, sans aucun doute, de minimiser la portée de toutes ces déclarations. Mais la réalité finira toujours par les rattraper. Sauf à défendre des avancées en informatique inconnues du reste de l’humanité, à faire du suffrage censitaire l’équivalent du suffrage universel, à banaliser les injustices et brimades dont furent victimes André Mba Obame et ses proches, à faire prévaloir la logique du fait accompli, à se préparer à de nouvelles vagues de répression ou à escamoter définitivement le bilan des émeutes postélectorales. On doit pouvoir s’inquiéter du climat anxiogène actuel et de la faillite constatée de l’Etat de droit. Avant de défendre une cause, il faut s’assurer de sa justesse. Pour avancer des arguments, il faut préalablement analyser la situation. Engagées dans l’indifférence de la communauté internationale, les précédentes contestations des scrutins présidentiels finissaient toujours par retomber. Au lendemain d’un scrutin observé par l’Union européenne, le chemin de la normalisation semble beaucoup plus escarpé.

Déni des réalités

Le bon sens et la défense de l’intérêt général commandent d’analyser la démarche et les propos de Séraphin Moundounga avec froideur et lucidité. Les certitudes des sectateurs de l’émergence reposent sur une mauvaise évaluation du rapport de forces sociologique. Elles dénotent d’un déni des réalités ou tout simplement d’une incapacité à vivre avec leur temps. En réalité, le corps social national penche définitivement d’un côté et, le développement des technologiques de l’information rend illusoire toute prise de liberté avec la vérité. Ali Bongo et les siens doivent nécessairement en tenir compte. Autrement dit, ils doivent répondre aux aspirations du peuple, singulièrement les jeunes générations, à plus de démocratie et de liberté. Pour envisager l’avenir avec sérénité, ils doivent réfléchir aux voies et moyens de ne pas laisser le Gabon décrocher sur des questions comme la défense des libertés individuelles, le respect de la loi de la majorité, la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice. Les populations ayant soupé des manipulations électorales, chacun doit s’efforcer de mesurer les risques à venir.

Jadis présenté comme incapable de se démocratiser ou rétif au respect du choix du peuple, le Myanmar est aujourd’hui dirigé par un proche de Aung San Suu Kyi. Comment défendre alors le maintien du Gabon dans le cycle infernal des manipulations électorales ? Les peuples savent toujours reconnaître et rendre hommage aux artisans de la démocratie. Pour l’avenir de la nation, du pays et de la République, une rupture avec les errements antidémocratiques s’impose. Dans l’intérêt d’Ali Bongo, c’est une nécessité.

 
GR
 

30 Commentaires

  1. Ozoua dit :

    L’honnêteté intellectuelle voudrait que le félon fasse d’abord son bilan. L’exemplarité c’est pas que les autres.

    • Samuel dit :

      Félon, bilan ? vous semblez ignorer les réalités du Gabon. Un Ministre n’à aucun bilan à faire. SEUL, le Chef de l’État a un bilan à défendre. Ne faisons pas semblant, analysons dans la sérénité les problèmes soulevés ici et qui sont bien réels et connus de toutes les personnes honnêtes dans ce petit Gabon

      • L'Observateur dit :

        « SEUL, le Chef de l’État a un bilan à défendre »…Dans les Républiques bananières. Quand on gère les crédits de l’État, on doit rendre des comptes au Peuple par le billet de ses représentants (parlementaires).

        • Lekori dit :

          @ Alain-Claude Bilié-By-Nzé alias L’Observateur. D’abord on écrit « biais », par le biais et pas « par le billet »…. Les ministres ne sont responsables que devant le parlement, le PM et la PR. Si ton PR a eu peur de sanctionner, toi pendant que tu étais député, combien de ministres as-tu interpellés ? Tu fatigues les gens avec tes petits mots….

          • L'Observateur dit :

            « D’abord on écrit “biais”, par le biais et pas “par le billet” »…Le seul passage pertinent de votre intervention. Si la seule contradiction que vous pouvez soulever est esthétique, c’est que L’IDEE ne souffre d’aucune contestation.

      • Rodyp dit :

        Je suis d’accord avec vous. Mais comment remettre les choses dans l’ordre si les gens ne se mettent pas à la table de discussion pour réfléchir ensemble à l’avenir du pays ? Comment penser au pays dans un contexte où la sublimation des égos est devenue la règle? Qui dans cette classe politique peut dire qu’il n’est responsable en rien de la situation de ce pays ? Pour le bien de tous, il faut d’abord que l’hypocrisie s’arrête. Les postures convenues au sein de la classe politique ne doivent pas continuer. Ensuite, on pourra sereinement envisager la construction du pays et le bien-être des gabonais.

      • Rodyp dit :

        Le Chef de l’Etat ne peut être le seul à avoir un bilan à défendre. C’est une manière un peu étriquée de présenter les choses. C’est l’ensemble de la classe politique depuis les années 80 qui doit faire son examen de conscience. Le Gabon n’est pas né avec le Chef de l’Etat actuel. Les problèmes dénoncés par les gabonais ont leurs origines bien loin dans l’histoire avant l’émergence. C’est donc un bilan collectif qu’il convient de faire.

        • ma terre ma patrie ma vie le Gabon dit :

          Le Ministre n’a pas de mandat….s’il doit rendre compte il le rendra auprès de celui qui l’a nommé, soit le premier Ministre qui est son chef et au Président de la République qui a signé le décret nommant les membres du Gouvernement; et ceci est d’autant plus limpide que lorsqu’un Ministre ne donne pas satisfaction au Chef de l’Etat celui-ci le vire tout simplement…parce que seul le chef de l’Etat doit rendre compte…le reste c’est de la distraction

        • ma terre ma patrie ma vie le Gabon dit :

          il n’ y a aucun bilan collectif à faire ici…

        • TARAJUNIOR dit :

          @ Rodyp,

          Vous vous contredisez. Comme vous le dites, je cite:<>, alors ABO a une chance d’écrire l’histoire du Gabon en introduisant une véritable démocratie. Comme le retour à un scrutin présidentiel à 2 tours, laisser les hauts magistrats élire les 9 juges constitutionnels, idem pour la CENAP, une justice indépendante, la décentralisation, élection des gouverneurs…
          S’il est incapable de le faire, qu’il parte car n’ayant gagné aucune élection.
          Nous n’allons pas passer toute nôtre vie à faire les bilans, nous devons plutôt nous accrocher au vent de la démocratie qui souffle à travers le monde. Ton l’usurpateur actuel est entrain de formater une génération qui risquerait d’être terrible que ceux que tu dénonces. Et c’est en cela que l’intervention de M. MOUDOUNGA a son sens.
          Souvenez-vous que la clé qui ouvre est celle là aussi qui ferme. En d’autre terme, c’est bien cette classe politique qui a tant fait du tore à notre pays qui peut aussi l’aider l’amener vers le chemin d’une vraie démocratie, la vraie.
          Que le PDGEMERGENT accepte l’évidence que l’histoire est entrain de changer, par conséquent, il doit s’adapter au contexte de la mondialisation des générations futures.
          Ne pas comprendre la portée du débat de M. MOUDOUNGA, c’est faire preuve de mauvaise foi. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent, il l’a compris lui.
          Vous comprenez cela?

          • Rodyp dit :

            Mon bien cher compatriote,
            Je n’appartiens pas à la catégorie des naïfs, celle que les spécialistes de la science politique nomment le marais électoral; c’est à dire ceux qui changent de convictions en fonction de la couleur de la cravate de leur interlocuteur. Je ne crois donc pas que les hommes politiques changent de camps pour subitement se ranger du côté de ceux qui souffrent. Ils sont et seront toujours muent par un instinct spécial, celui d’assurer leur survie et partant de préserver leurs intérêts. Il en est de Moudounga comme des autres membres du landernau politique qui s’agitent aujourd’hui telles des vierges effarouchées. Exiger à l’ensemble des acteurs politiques un véritable bilan de la gouvernance de notre pays depuis les années 80, est pour moi la seule manière de poser en des termes vraies le débat de la reconstruction de notre pays.

  2. Olousegon dit :

    Un Nigerian ne cede jamais et prefere toujours mourir l’arme a la main.
    Si vous pensez que le pouvoir vous sera cede parceque au Myanmar il a ete cede, vous vous trompez.
    Si vous ne pouvez pas l’arracher, alos restez tranquille parceque dans 6 mois les fonctionnaires n’auront plus de salaire mais le biafrai ne partira pas

  3. Mwane Dimbu dit :

    Voici un article qui te motive pour bien démarrer la journée…

  4. abel koumba dit :

    Cette analyse mérite, selon moi,d’être sincèrement appréciée. Du reste, même si Séraphin sera appelé un jour à rendre aussi des comptes parcqu’ayant participé à la gestion du pays à un niveau très élevé,il serait tout de même souhaitable,pour la stabilité du pays et surtout pour sortir le Gabon de cette crise post-électorale,que celui qui s’est fait proclamer « président »avec un petit « P » lise ou écoute avec attention les interventions diasporales de son ex Ministre et frère.Car, comme tout le monde le sait dans le milieu politique gabonais,cet homme(Séraphin Moundounga)est un véritable monstre politique national qui ne dit rien, sans connaitre l’aboutissement final de ses propos. Que ceux qui ont mis leur « président » au pouvoir le comprennent.

  5. Fabien Engouang Ovono dit :

    Très belle analyse. Que ceux qui ont des oreilles entendent.

  6. Bouabouvier dit :

    Comme par hasard,on ne voit pas l’ombre d’un émergent venir faire un commentaire face à cette analyse qui me paraît très impartiale. Ceci dit,les deux bords de la classe politique nationale devraient y méditer.

  7. Tchatche dit :

    De grace, ne nous y trompons pas. Le Président de la République est SEUL responsable de la situation dramatique de notre pays. Si un ministre (aussi voleur, corrompu ou incompetent qu’il puisse être) est maintenu à son poste, c’est TOUJOURS avec la bénédiction du PR qui peut faire d’un ministre un chien et d’un chien un ministre (dixit Omar Bongo). Voici la logique au sommet de l’Etat. Le PR a gardé Seraphin Moundounga parcequ’il lui donnait ENTIERE satisfaction. Si non il s’en serait débarrassé plus tôt (avec à la clé de possibles poursuites judiciaires). Alors qu’a t-on a reclamer d’un ministre qui du reste doit être interpelé par le Parlement en cas de besoin ?… Si Durant son mandat il ne l’a pas été, c’est que personne n’avait rien à lui reprocher ! C’est qu’il a, selon ses mandataires, accompli correctement sa tâche. Le PR doit donc assumer ses choix. Et toc !

  8. DOUKAGA DOU NGAZI dit :

    L’on fait plus souvent des trahisons par faiblesse que par un dessein forcé de trahir.

  9. Thierry Poulinier dit :

    Ali Bongo est président point final et heureusement car c’est le seul capable et honnête dans ce pays

  10. Gabon mon HERITAGE dit :

    Vraiment MOUDOUNGA est mal déplacé pour critiquer le système qu’il a contribué à installer. Il a nommé ses parents partout à l’éducation nationale. A la Magistrature ce fut le comble. Il n’a eu de cesse de violer le statut des Magistrats et aujourd’hui il dit se soucier du peuple.
    Qu’il sache que son ami ABAKOUGNA ET LUI RÉPONDRONT de LEURS ACTES

  11. Axelle MBALLA dit :

    Y aurait-il un ministre dans les dictatures père et (fils?) qui se prévaudrait de neutralité dans l’action politico-gouvernementale? Non et non! le père a créé l’école des cadres du parti devenu CUSPOD (niveau 1 de la fabrication de l’idéologie protectrice de l’autocratie familiale). Une hyperproduction des cadres supposés de l’administration (qui ne connaissaient cette administration, la science administrative et les sociologies accompagnatrices …que de noms. D’ailleurs, sortis du CUSPOD, et passés par un stage qui servait de nettoyage au passif idéologique, plus personne n’ose affronter l’intelligentsia en assumant ce profil. Bien au contraire, n’est mis en avant que le profil obtenu en complément dans une école, ou un institut qui jouit d’une renommée crédible. Pourquoi suis-je allé si loin? Parce que l’incompétence de masse au sein de la bureaucratie gabonaise trouve sa source dans cette réalité… ils diront que c’est faux. Je vais apporter une analyse plus concise la prochaine fois. Voyez qui sont dans leur administration, qui sont à l’assemblée? qui sont les Ministres? Qui sont les Conseillers? qui sont dans les entreprises privées envoyés en recommandation?
    MOUNDOUNGA a fait sa formation continue complète depuis le CAVEJ à la Sorbonne, en passant par l’Université de saint QUENTIN-en Yvelines, Jusqu’à l’Université Pierre MENDES FRANCE. J’y étais. Homme politique il a été, il ne le renie pas. Lui, n’a pas de bilan à défendre, ni un passif politique puant et honteux. Certes nous lui taillons des nombreux griefs, mais l’homme a choisi de ne pas être comptable du bilan du pouvoir sanguinaire, un pouvoir qui pille et tue ouvertement, qui consacre la violence et les meurtres comme mode de gouvernement. A cette doctrine de la science politique sanglante, il a refusé de s’associer aux dépositaires. Il a retrouvé l’humilité et cherche ..enfin à se remettre à la place qu’il avait un peu oubliée, c’est-à-dire au milieu du peuple gabonais.

  12. Demoabi dit :

    En tout cas bravo pour l’article. La pertinence mérite qu’on y jette un coup doeuil … bravo encore

  13. Ngoungoulou Walter dit :

    Arrêtons parfois de faire semblant en défendant l’impossible dans nos commentaires. L’analyse faite dans cet article commande qu’on soit lucide quant aux arguments développés. Chacun sait que Séraphin a toujours été dans les cercles stratégiques du PDG. Sa rupture d’avec ses camarades nous donne des insomnies.

  14. douchain dit :

    Je connais bien Seraphin, c’est un homme courageux de s’affronter à l’émir du Gabon. Bongo a truandé le résultat des élections, c’est indéniable. Trouvez vous normal qu’un homme politique se maintienne au pouvoir et refuse le comptage des bulletins. Il faut rappeler que le GABON c’est la moitié de la superficie de la FRANCE avec seulement et à peine 1,5 millions d’habitants. Quand on voit dans quel état se trouve cette nation, la misère de son peuple, c’est intolérable!Le GABON est un pays riche que dis-je très riche, des bois précieux, du pétrole, des terres rares exploitées honteusement par de riches compagnies chinoises, aprés le passage de la colonisation une nouvelle recommence et qui profite à qui je vous laisse le choix de la réponse peu difficile à trouver. Le ministre MOUNDOUNGA a raison de dénoncer le pouvoir politique en place qui n’a rien fait depuis la décolonisation pour enrichir et développer son peuple. Nous Français nous devons interpeler nos parlementaires pour qu’ils interviennent afin de dénoncer ce scandale. Encore bravo Seraphin, que Dieu vous bénisse.

Poster un commentaire