Le rôle de la presse n’est ni d’établir de fausses catégories ni de caresser le pouvoir dans le sens du poil. Encore moins de lui tirer dessus sans raison. Comme partout au monde, le journalisme vise deux objectifs premiers : informer et éduquer.

L’Organisation patronale des médias (Opam) va se pencher sur les fatwas lues çà et là dans des organes de presse s’étant mués en procureurs, ne perdant aucune occasion pour vouer aux gémonies la presse libre et indépendante. © Gabonreview

 

«Ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte des annonceurs», «refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction», commande la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, encore appelée Charte de déontologie de Munich. Le même texte recommande de «défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique.» Pourtant, une certaine presse s’adonne au prosélytisme et à l’intoxication, quitte à prendre ses distances avec les faits ou à emprunter des raccourcis intellectuels. On l’a vu au plus fort de la magnificence de la défunte Association des jeunes émergents volontaires (Ajev). On l’observe aujourd’hui avec le traitement réservé aux procès liés à l’opération Scorpion. Avec le même zèle, les avocats d’hier se sont mués en procureurs, ne perdant aucune occasion pour vouer aux gémonies la presse libre et indépendante.

Panurgisme

Prévue pour le 10 du mois courant, la prochaine assemblée de l’Organisation patronale des médias (Opam) se penchera sur cette question. Déjà, nos confrères de Gabon Média Time ont annoncé la couleur. «Il sera (…) évoqué l’épineuse question de la prolifération des médias fantoches (…) cornaqués par des personnalités tapies dans l’ombre», écrivent-ils, dénonçant «la cabale et les attaques orchestrées par ces supposés organes de presse dont certains (…) n’ont ni siège ni journaliste identifiés à ce jour.» Au vu des fatwas lues çà et là, on doit effectivement s’interroger. Comment des journalistes peuvent-ils s’élever contre le droit au libre commentaire et à la critique ? Comment peuvent-ils s’opposer au droit à la liberté de pensée et au droit à la liberté d’expression ? N’est-ce pas une façon de renoncer à la liberté de la presse voire à toute action citoyenne ?

Du soutien à l’opération Mamba au refus de s’interroger sur les conditions de remise en liberté de certaines personnalités incarcérées dans ce cadre-là, ces « médias fantoches» baignent dans une sorte de panurgisme. De la promotion des activités de la défunte Ajev aux vivats lancés au moment de la déchéance de ses ténors, en passant par le refus de questionner les procédures ou la régularité des procès en cours, ils confondent débat et dispute. S’ils finissent toujours par abjurer leur foi d’hier ou par flétrir leurs héros d’antan, jamais ils ne se remettent en cause. Systématiquement, ils reprennent l’antienne du moment. Invariablement, ils condamnent tout propos dissident. Comme si la pensée unique était un gage de vitalité démocratique. Revendiquant un positionnement idéologique, ils fondent leurs analyses sur des impressions, omissions volontaires, demi-vérités, biais attentionnels et amalgames.

Détestation du libre commentaire

Avec la montée des réseaux sociaux, la presse en ligne a dû relever le défi de la rapidité voire de l’instantanéité. Dans ce contexte, des organes sans ours et mal identifiés ont fleuri. Surfant sur leur anonymat, ils se livrent à des accusations gratuites et autres attaques injustifiées, brandissant leur détestation du libre commentaire et de la critique, pourtant reconnus comme des genres journalistiques nobles. Quand d’aucuns parlent de «presse libre et indépendante», eux dissertent sur une prétendue «presse de l’opposition.» En raisonnant de la sorte, ils dévoilent leur propre positionnement, révélant leur inféodation au régime en place. Or, le rôle de la presse n’est ni d’établir de fausses catégories ni de caresser le pouvoir dans le sens du poil. Encore moins de lui tirer dessus sans raison. Comme partout au monde, le journalisme vise deux objectifs premiers : informer et éduquer. Si les faits sont sacrés, rien n’interdit de livrer une opinion, à condition de se baser sur des textes et connaissances.

Une presse crédible ne saurait se construire sur des accointances réelles ou imaginaires avec le monde politique. Elle ne saurait non plus se confondre avec des officines. Quant à la démocratie, elle ne peut s’enraciner en pratiquant l’excommunication ou en prêtant à autrui des allégeances. Membre de l’Opam, Gabonreview se veut «indépendant et gratuit.» Jaloux de notre liberté, nous sommes attachés aux 10 devoirs et cinq droits énoncés par la Charte de déontologie de Munich. N’en déplaise aux zélotes et animateurs de tracts en ligne, nous nous efforçons de faire notre métier. Autrement dit, nous essayons d’apporter notre pierre à la construction d’un Gabon démocratique, prospère et rayonnant. Nous ne combattons ni pour ni contre quiconque. Mais pour des valeurs.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Jean Gaspard Ntoutoume Ayi dit :

    Je retiens cette leçon d’un de mes maîtres : « Le journaliste, il faut le convaincre et non le contraindre ».

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