De nombreux pasteurs des églises dites du «réveil» mènent grand train ou amassent des fortunes au détriment de leurs adeptes. Ces églises sont bien souvent «de véritables machines à faire du fric en vendant du vent», selon l’expression du présentateur de télévision Steeve Mvé. Démontage rapide de ce système très lucratif. Cet article a été publié pour la première fois en mars 2013 ; plus de 5 ans après, rien n’a vraiment changé.

© Gabonreview

 

«La religion est l’opium du peuple», écrivait Karl Marx. Le théoricien de la lutte des classes comme moteur de l’histoire pensait que la religion est tout d’abord une illusion, un monde fantastique produit par l’imaginaire et entretenu par ceux qui en profitent, dans lequel l’individu se réfugie pour oublier sa propre misère. C’est sans doute pourquoi, au Gabon, les églises du réveil attirent surtout les démunis, les désaxés, les laissés-pour-compte et les déclassés. Ce qui explique pourquoi les classes laborieuses pourvoient le plus d’adeptes à ces sectes – car c’est bien ce qu’elles sont – en prolifération dans une société en voie de sous-développement et à l’horizon socioéconomique incertain. Ces églises sont devenues des lieux de spoliation de ceux qui croient y trouver des solutions à leurs angoisses socioéconomiques, financières ou métaphysiques.

Les églises dites du réveil ont intégré les données modernes de la communication, de la psychologie et de la sociologie. Elles s’en servent pour créer un conditionnement psychologique qui leur permet d’embrigader très vite les néophytes et les personnes déstabilisées.

Généralement, on va dans ces églises en vue de résoudre des problèmes d’insertion sociale, des problèmes de santé ou qu’on se trouve confronté à un cas de conscience. Les églises du réveil spéculent donc sur les besoins urgents et obsessionnels, de la population : guérir, avoir un mari ou une femme, travailler, prospérer dans les affaires, avoir un enfant et s’épanouir, mais aussi se protéger des agressions réelles ou imaginaires. Surtout imaginaires.

Le néophyte y est souvent amené par un parent ou un ami prosélyte afin d’assister à une réunion de prière ou à un office religieux. Dans la plupart de ces églises, les fidèles prennent place dans un temple, souvent de fortune, où ils sont mis en «condition» pendant des heures grâce à la création d’une atmosphère envoutante faite de chants et de psalmodies avant que n’intervienne le prêche du pasteur. Cette prédication est en général une dénonciation véhémente du «monde», c’est-à-dire des us et coutumes de la société et de tout ce qui est en dehors de la «vie en Christ», une notion suffisamment floue pour que chacun y mette ses désirs et fantasmes. La prestation du pasteur est souvent suivie de prières et de chants qui clôturent le rite, non sans qu’on ne demande aux nouveaux venus de se présenter.

Séance secrète de délivrance d’une fidèle par un pasteur. © D.R.

Le mécanisme de captation de l’argent

Quand les nouveaux venus consentent à revenir, ils sont placés au centre d’un tourbillon de réunions de prière, réunions d’étude biblique, tables-rondes et séminaires qui contribuent à les couper du monde et de leurs proches. A ce niveau, le nouveau venu contribue déjà aux affaires de la maison en procédant à des offrandes par le dépôt de quelques petits billets (les jetons y étant proscrits) dans l’escarcelle de l’église. Après son adhésion totale, le croyant «né de nouveau», tout en continuant de faire des offrandes, est invité à pratiquer la dîme, c’est-à-dire à contribuer de manière plus effective aux projets de l’église en donnant des sommes d’argent proportionnelles à ses revenus ou à sa fortune… une part de ses revenus pourtant bien maigres pour beaucoup d’entre eux.

Les adeptes les plus riches «offrent» quelques millions, les plus démunis se dépossèdent du peu qu’ils ont mais, avec le principe selon lequel «les petits ruisseaux font les grands fleuves», l’église parvient à atteindre des chiffres d’affaires annuels de plusieurs dizaines de millions de francs CFA, beaucoup plus pour celles qui ont prospéré. Car il faut ajouter aux dons des adeptes ceux des organismes et donateurs internationaux.

Naturellement, le chef de l’église peut se servir à volonté dans ce trésor et il ne viendrait à aucun fidèle l’idée de demander des comptes à celui par qui s’exprime le Saint-Esprit. Parfois des problèmes, liés à la gestion de cet argent, surviennent au sein du bureau directeur ou du clergé de l’église, mais ils sont voilés aux fidèles qui ne les découvrent que lorsqu’ils débouchent sur des scissions.

L’action humanitaire et caritative de l’église, bien minime au regard de ses gains, permet de donner l’illusion aux fidèles que le butin amassé est redistribué pour de bonnes causes. Les dividendes de ceux-ci restent dans les promesses, l’espérance et les jolis coups du sort qui sont interprétés comme des miracles, sur lesquels on les fera témoigner pour maintenir à bon régime la machine à fric. Artisans de ces pompes à fric, les pasteurs usent et abusent, au sens propre, de la maxime «Ce que tu donnes sur Terre, Dieu te le rendra au centuple». Principal avantage, personne ne viendra réclamer son dû.

Un marché captif et facile à spolier

Le fonctionnement de la machine à fric ne s’arrête pas à «l’extorsion» de fonds aux fidèles. Elle se sert également d’eux pour se constituer un marché sur lequel les dirigeants de l’église écouleront leurs productions plus ou moins réelles mais revalorisées à l’extrême par leur caractère sacré. Généralement un des membres du clergé produit un livre, une œuvre vidéo ou musicale qui sera vendue, à coup sûr, aux «frères», objets d’un braquage psychologique pour les pousser à acheter, à payer cher, cette marchandise et les produits associés (fascicules, CD, tee-shirts, pins). Ce faisant l’église se constitue un marché sûr, un marché captif sur lequel elle sera toujours assurée d’écouler ses produits même d’importation (Bible, séminaire avec un pasteur étranger invité, etc.).

La pérennité de ce marché est assurée par le respect qu’observe l’adepte face à la Parole «la charité ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne soupçonne point le mal» (1 Corinthiens 13:5).

 
GR
 

13 Commentaires

  1. Ikobey dit :

    très bon article.
    Ces églises « du réveil » nous endorment.
    Les églises « traditionnelles », comme le clergé catholique, ne
    répondent plus aux aspirations d’une partie des croyants.

    • Romarick dit :

      Je suis tout à fait d’accord avec vous.
      Le comble combo combo ça est que au lieu de prêché la parole de Dieu comme il se doit, la plus part passé leurs temps à critiquer d’autres églises comme les catholiques par exemple ce ci aussi est un problème majeur dans nos sociétés qu’il faut réglé ces églises dites de « Réveil « .

  2. Bénédicte ANDEME dit :

    Trop facile de développer des théories objectives sur ce qui est du fondement Spirituel! Moi j’ai fait la sociologie aussi…et cela ne m’ empêche pas de Croire en mon créateur..de plus je ne me suis pas convertie parceque j ‘avais un quelconque problème psychosocial…mais bien parceque YAHVE parle encore aux hommes comme il le faisait d’âge en âge..Des vrais appelés il en existe merci de ne généraliser.. la bible elle même parle du vrai et de l’ivraie…Il ya pire problématiques au Gabon…concentrez vous y..

  3. Ngouss Mabanga dit :

    vu que l’État y trouve son compte.

  4. Maccolines dit :

    Bonjour ! J’apprécie bien le temps investit dans la rédaction de cet article. Mais étant donné que votre thèse est déjà falsifiée, le tout est falsifié.

  5. ombalo dit :

    voici un auteur qui sait exposé sa pensée à lui en généralisant les faits. c’est vrais qu’il y a des déboires dans ce milieu mais de là a prendre des image de films pour vouloir condamner c’est manquer de sagesse. je suis dans l’administration et je ne souffre pas je fréquente une église de réveil pas pour fuir une quelconque malédiction. mais parce que je crois en Jésus.

  6. Ndong Bibang Robert le prince dit :

    Bonjour et merci pour cet article sur les églises dit de réveil, votre point de vu doit être respecter parce que nous vivons dans une société ou la contradiction est admise,donc permettez aussi que nous puissions émettre des réserves, nous n’allons pas rejeter tous ce que vous avez ecris,dans toute activité ou il y a l’homme impliquer nous sommes susceptible d’observer des dérivés comme il en existe. Diaboliser les Eglises de réveil juste pour l’aspect de l’argent serais mépriser les nombreux témoignage de ceux qui ont trouver une solution dans cette endroit appeler Eglise.En tant que Fidel nous savons que nous ne nous impliquons pas suffisamment dans l’oeuvre social comme le font d’autre congrégation religieuse. Et le train de vie extravagant de certain homme dit de Dieu, mais comme je l’ai dit plus haut ce sont des dérivés liées au comportement humain.

  7. MARIUS KEVIN NDZENGUE dit :

    <>? Bah dis donc! Quel projet!!! Malheureusement pour moi, l’excitation que cette perspective me promettait a vite été douchée par trop d’approximations aux allures de condescendance pour caractériser un phénomene social et sociétal de cet acabit.

    D’abord qu’est-ce que c’est qu’une <>? Est-on toujours sur de parler ou interroger la meme chose?

    Pourquoi prendre le partie d’un traitement a charge sur un phenomene que vous ne comprenez et ne maitrisez absolument pas (au regard de votre description lapidaire et de vos conclusions hatives sur les raisons de leur succes aupres de leurs  »adeptes »)?

    Il est triste pour les lecteurs naifs et neanmoins assidus de ce medium en ligne comme nous autres, de penser y boire des informations fouillées et digne de foi a chaque publication. Ceci illustre bien qu’il convient de prendre avec d’énormes pincettes tout ce que vous nous offrez au menu…Je dis ca, je dis rien hein…

    Dieu vous bénisse néanmoins…

    Un adepte du Christ-Jésus!!!

  8. Paul Bismuth dit :

    C’est franchement drôle tout ceci. Le journaliste pointe ici un vrai problème de société, qui n’est certes pas le pire, mais fait partie à coup sûr des pires. Mais bon, il ne faut pas attendre des illuminés de ces sectes religieuses qu’ils ouvrent enfin les yeux à la lecture de cet article. Personne ne dit qu’il ne faut pas aimer Dieu. Ce qui est écoeurant c’est la multiplication incroyable de tous ces individus qui se pensent dépositaires de la parole de Dieu et qui font fortune en se servant de son Nom, et aux détriments de fidèles très souvent démunis. Ces mêmes fidèles qui à leur tour se croient dépositaires de la parole de Dieu, et vont jugent avec une extrême sévérité ceux qui osent émettre des doutes sur la bonne foi de leur gourou… euh pasteur. Parfois ils vont jusqu’à remettre en question vos goûts musicaux (un vrai enfant de Dieu ne peut écouter autre chose que du gospel, selon eux) ; ils vous jugent parce que vous avez eu des relations sexuelles avant de vous marier… Bref la liste des reproches qu’ils peuvent vous faire est tellement longue qu’il vaut mieux s’arrêter là… Mais j’ajouterais quand même qu’il ne faut pas leur dire que vous êtes d’une autre confession, sinon vous aurez droit au fameux : « le feu sur vous », à défaut de pouvoir vous brûler directement comme le faisait les cathos chez les Blancs en d’autres temps. Ces sectes font tellement de mal avec ces fideles à la fois pigeons (sans machisme aucun, les femmes semblent plus malléables que les hommes dans ces histoires-là) et faux dévots, sans oublier leurs gourous opulents. Je me demande d’ailleurs de qui ces derniers sont les prophetes, Dieu ou Mammon ? Je penche vraiment pour le second cité… sans offense aux vrais theophiles, hein Andeme ?

  9. Paul Bismuth dit :

    *Sexisme plutôt. On est parfois choqués du train de vie fastueux que mène nos hommes politiques, mais on ne l’est pas s’agissant des hommes de Dieu. Pourtant Politiques et pasteurs se ressemblent beaucoup : ils s’enrichissent éhontement au détriment des mêmes con…tribuables (les électeurs sont aussi les fidèles qui hantent les églises). Aux politiques on demande parfois des comptes ; aux prophètes, pas du tout. Parce que dans l’inconscient collectif, le seul nom de Dieu suffit à rendre immaculé celui qui le prononce (de surcroit s’il en a fait son boulot).
    Je me souviendrai toujours de l’indignation de ce compatriote au Gabon a l’écoute du surnom de la sélection Belge (les diables rouges). Le même gars se dit supporter de Manchester United. Mais comme il est très béotien (pire que moi) en anglais il lui a échappé que « Red Devils » (surnom des joueurs de Manchester United) veut dire « diables rouges ». Et il n’a pas remarqué que sur l’écusson de son club préféré figure entre autres un diable rouge qui tient une fourche. Et je me suis bien gardé de le lui faire remarquer, tellement il me fatiguait. On a tous des anecdotes un peu bizarre comme cela à raconter, s’agissant du rapport de certains compatriotes à la religion. Tout comme je suis persuadé donc qu’on a tous dans notre entourage des personnes qui expliquent systématiquement leurs déboires par l’action des démons ou sorciers qui les entourent ; des pudibonds (en réalité tartuffes) très critiques à l’égard de la vie de ceux qui ne font pas partie de leur secte… euh église et qui ne jurent que par leur gourou… euh pasteur. Aucune remise en question ou interprétation temporelle des événements qui les concernent. Ils boivent comme des regab le discours de leur pasteur et vont ensuite jouer au Toquemada dans leur foyer. Voilà où nous conduit la misère que nous vivons. On devient des proies faciles pour les entrepreneurs de conscience de cet engeance (issus de l’église et de la politique). Et ce n’est pas prêt de changer parce que nos élites politiques ne sont pas assez compétentes et patriotes pour combattre cette misère devenue gardienne fidèle qui ne nous abandonne jamais, pour paraphraser un célèbre taré (par ailleurs devenu très puissant lui aussi en exploitant la detresse populaire). Mais bien entendu je dis tout ceci en sachant qu’il existe de vrais theophiles, hein Andeme ?

  10. KIEM dit :

    Quand mes cousines viennent en Europe, je suis sidéré par les cadeaux de luxe qu’elles ramènent pour leur pasteur, celles qui sont mariées ne pensent même pas à leurs maris. « Pays de merde » a dit l’autre, il n’y a pas que les politiques qui ont perdu la tête.

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