Si le gouvernement et les syndicats sont convaincus d’agir à bon droit, l’exécutif doit donner des gages de sa bonne foi pour en finir avec cette ambiance électrique.

Au vu de la surenchère verbale, soit le gouvernement joue la carte du pourrissement et de la démobilisation, au risque de compromettre l’année scolaire. Soit il revient sur ses dernières décisions et ouvre des négociations au niveau le plus élevé. © Montage Gabonreview à titre purement illustratif

 

Mise sur bons de caisse, menaces de radiation, chantage à l’emploi, maintien du mot d’ordre, appel à la mobilisation générale… Convaincus d’agir à bon droit, le gouvernement et les syndicats du secteur éducation haussent le ton, chacun essayant de tirer la couverture de son côté. Dénonçant «une orientation politique évidente», le ministère de l’Education nationale affiche un objectif à la fois clair et radical : briser le mouvement de grève. Pour y parvenir, il ne lésine ni sur les mots ni les sur les moyens. Pointant «des fautes pour manquement aux obligations professionnelles», il a décidé de frapper au portefeuille, menaçant de suspendre la solde des grévistes. Comme pour apporter la preuve de sa détermination, il évoque l’éventualité d’un licenciement collectif, annonçant «un nouveau calendrier scolaire et une campagne de recrutement direct d’enseignants.» C’est dire si le point de non-retour semble atteint.

Des syndicats vent debout

Du reste, la Convention nationale des syndicats du secteur éducation (Conasysed) et le Syndicat de l’éducation nationale (Sena) sont vent debout, remontés comme des horloges suisses. Durant la journée d’hommage à Louis-Patrick Mombo, ils ont lancé «un ultime appel aux enseignants qui hésitent encore à rejoindre (leur) mouvement», les invitant «à bien vouloir sortir de leur bulle, de leur confort virtuel et (à) adhérer à la cause commune, celle-là même qui libère et qui peut changer (leur) existence.» Accusant les ministres en charge du dossier de se rejeter la patate chaude, ils ont décidé de «continuer la grève (et) l’amplifier.» «Nous le devons à tous ces enseignants morts sans avoir vu l’évolution de leurs situations administratives, (…) Nous le devons pour opposer ce nécessaire rapport de forces pour la satisfaction urgente de nos (…) revendications», ont martelé Fridolin Mvé Messa, secrétaire général du Séna, et Alfred Désiré Engone, délégué administratif de la Conasysed.

Comment cette ambiance électrique s’est-elle installée ? Comme on peut l’imaginer, chaque camp voit midi à sa porte. Comme toujours, le gouvernement se refuse à toute introspection, préférant parler d’instrumentalisation politicienne. Affirmant œuvrer au maintien d’un «dialogue social permanent», il dit tenir compte de l’ensemble des revendications. A en croire ses dires, des solutions sont en passe d’être trouvées. Dès lors, le mouvement de grève ne se justifie plus. Naturellement, la coalition Séna/Conasysed affirme le contraire. Pour elle, la faute revient à l’exécutif, incapable d’établir des synergies entre différents départements. «Le ministre de l’Education nationale déclare avoir fait sa part de travail et renvoie la balle à celui de la Fonction publique, qui, à son tour, indexe celui du Budget (…) (l’accusant) de retarder le processus d’évaluation (et de remettre) en cause les engagements pris», explique-t-elle, ajoutant : «Le principe de solidarité gouvernementale reste un leurre.» Et de trancher : «Ce gouvernement, à travers (ses) actes (…) se dédie et met au grand jour ses incohérences

Surenchère verbale

Au vu de cette surenchère verbale, on ne voit pas comment sortir de cette situation. Sauf à agir en violation de la loi, le gouvernement ne peut mettre à exécution ses menaces. Après tout, la liberté syndicale et le droit de grève sont reconnus par la Constitution. La suspension de solde et la radiation répondent à des procédures précises, parfaitement encadrées. Elles nécessitent la convocation d’un conseil de discipline. Quant au recrutement, il est soumis à certaines conditions, notamment la détention de la nationalité gabonaise. Forts de toutes ces garanties, les syndicats peuvent être tentés d’aller au bout de leur logique. Le gouvernement l’a-t-il perdu de vue ? Est-il prêt à passer en force, quitte à envoyer un signal alarmant aux autres fonctionnaires et contractuels de l’Etat ? Est-il disposé à désorganiser l’ensemble du secteur éducatif ? A moins de deux ans de la présidentielle, sa stratégie paraît illisible.

De deux choses l’une. Soit le gouvernement joue la carte du pourrissement et de la démobilisation, au risque de compromettre l’année scolaire. Soit il revient sur ses dernières décisions et ouvre des négociations au niveau le plus élevé. Peu importe l’option retenue, il doit sortir de l’impasse. Ne disposant pas de solutions toutes faites, il doit faire le pari du sursaut collectif. Autrement dit, il doit contraindre les syndicats à passer d’une logique d’affrontement à une logique de construction. Pour ce faire, il doit leur donner des gages de sa bonne foi. Et ça, c’est loin d’être gagné.

 
GR
 

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