Alors que le monde redéfinit ses priorités à l’aune de la crise écologique, le Gabon se découvre un rôle inattendu : celui d’acteur clé de l’habitabilité mondiale. Ses forêts, ses fleuves et ses écosystèmes intacts ne sont plus de simples paysages, mais des garanties tangibles de survie collective et de stabilité économique. Dans la nouvelle géopolitique du vivant, ce petit pays équatorial devient un centre de gravité silencieux, où la nature elle-même fait office d’infrastructure stratégique. C’est à cette lecture lucide et ambitieuse qu’invite Adrien NKoghe-Mba* dans cette nouvelle chronique de L’Odyssée Verte, plaidoyer vibrant pour une «marque Gabon» assumée : non pas vitrine écologique, mais déclaration de puissance naturelle et de responsabilité planétaire.

Avec une marque assumée, le Gabon devient non plus un pays que l’on soutient, mais un pays avec lequel on doit composer – parce qu’il détient une part réelle du capital d’habitabilité mondial. © GabonReview

 

Le Gabon fait partie des très rares pays qui disposent encore d’un système biologique complet et fonctionnel. Cela lui confère un positionnement unique, à un moment où la biodiversité n’est plus seulement considérée comme un patrimoine naturel, mais comme une infrastructure essentielle à l’habitabilité de la planète.

Ce basculement est majeur : les grandes institutions économiques comme les forums stratégiques internationaux s’accordent désormais sur un fait simple — le bon fonctionnement des affaires, de la croissance, de l’investissement et des échanges dépend directement de la stabilité des conditions de vie sur Terre. Or, cette habitabilité ne repose pas d’abord sur la technologie, mais sur la capacité du vivant à réguler les grands équilibres physiques, climatiques et biologiques. Autrement dit, bien avant la transition énergétique, c’est la stabilité des systèmes naturels qui conditionne la stabilité des marchés.

Dans ce cadre, les pays qui disposent encore d’écosystèmes vivants intègres deviennent des acteurs essentiels, non par leur taille économique actuelle, mais par leur capacité à conserver et régénérer les conditions matérielles qui rendent toute activité humaine possible. C’est précisément le cas du Gabon. Son patrimoine vivant n’est pas seulement une richesse naturelle : c’est un atout de sécurité planétaire, un facteur de résilience collective et un point d’ancrage pour les économies qui anticipent les risques systémiques à long terme — qu’ils soient climatiques, sanitaires, alimentaires ou géopolitiques.

C’est dans ce contexte que la création d’une marque nationale claire devient un enjeu décisif. Il ne s’agit pas de communication, mais de positionnement stratégique. Sans marque intelligible, le Gabon peut être perçu positivement, mais sans être considéré comme un acteur structurant. Avec une marque assumée, il devient non plus un pays que l’on soutient, mais un pays avec lequel on doit composer — parce qu’il détient une part réelle du capital d’habitabilité mondial, condition préalable à la sécurité des marchés, des investissements et, de manière plus large, de la paix.

Autrement dit, dans l’économie du vivant qui s’installe, le Gabon ne peut plus être catégorisé comme un pays fournisseur de ressources, mais comme un acteur stabilisateur des conditions globales nécessaires aux affaires humaines. C’est précisément ce changement de statut que permet la marque nationale : elle ne cherche pas à enjoliver une image, mais à rendre lisible un rôle stratégique.

Le véritable enjeu n’est pas d’être perçu comme un pays « vert », mais comme un pays garant d’une stabilité vitale — un pays qui contribue à maintenir la planète habitable, et qui, ce faisant, devient un partenaire économique de premier rang dans la durée.

*Président de l’association Les Amis de Wawa pour la préservation des forêts du bassin du Congo.

 

 
GR
 

0 commentaire

Soyez le premier à commenter.

Poster un commentaire