Face aux juges du tribunal de première instance de Franceville, Guy Nzouba Ndama a livré, le 18 octobre dernier, sa version des faits concernant son interpellation, mi-septembre 2022 de retour du Congo Brazzaville, avec plus d’un milliard de francs CFA en argent liquide. Mise à l’index à la frontière lors de la sortie du Gabon, transaction foncière, origine de l’argent et mésaventures diverses… le récit du prévenu.

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Relayé, le 24 octobre dernier par l’hebdomadaire Echos du Nord, ce qu’on pourrait qualifier de verbatim du procès de Guy Nzouba Ndama au tribunal de première instance de Franceville, le 18 octobre, permet d’en savoir davantage sur les péripéties de la rocambolesque affaire ayant défrayé la chronique durant les deux dernières semaines du mois passé. Du moins, l’ancien président de l’Assemblée nationale et président du parti d’opposition Les Démocrates (LD) a livré sa version des faits.

«Humiliation organisée» et expulsion à Londres

Si Nzouba Ndama a déploré le traitement qu’il a enduré, il n’a pas manqué de louer «le comportement exemplaire aussi bien des agents de la Direction générale des recherches (DGR), qui l’ont gardé à vue pendant plusieurs heures, que celui des agents de la Documentation (Cedoc), qui ont su faire preuve de courtoisie à la frontière Congo-Gabon à Kabala», indique Echos du Nord dans sa livraison N°789.

La diffusion des vidéos de ce qui est qualifié d’«humiliation organisée par les autres services de l’État», a eu des conséquences sur ses proches. «Mes enfants qui étudient et résident à Londres ont été expulsés de leurs logements parce que les propriétaires disaient ne pas vouloir avoir comme interlocuteur un contrebandier pour payer des loyers», a laissé entendre, à la barre, le président des Démocrates. L’homme ayant été présenté sur les réseaux sociaux comme un contrebandier.

Gendarme politisé et zélé

Selon son récit au tribunal de première instance de Franceville, il avait quitté le chef-lieu du Haut-Ogooué tôt dans la matinée du 17 septembre 2022. Parvenu au poste frontière de Kabala à 8h15, ses formalités d’usage sont confrontées à l’absence du douanier y affecté. Joint au téléphone par l’agent du Cedoc en poste, le douanier autorise verbalement le passage de l’homme politique, sans le passavant, un «document qui permet aux véhicules venus du Gabon de circuler dans les autres pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac)», selon les explications d’Echos du Nord.

Il se trouve que durant l’attente du gendarme de faction absent, un autre gendarme «en civil, qui sera par la suite reconnu comme le commandant de brigade adjoint (CBA) du poste de Kabala, va appeler ses homologues congolais du poste frontière de Bie pour leur dire de ne pas faciliter l’entrée de Guy Nzouba Ndama au Congo, au motif qu’ils sont des opposants au régime gabonais», narre l’hebdomadaire gabonais. Par voie de conséquence, Nzouba Ndama, pourtant parvenu aux portes du Congo, est amené à rebrousser chemin pour trouver, enfin, au poste frontière de Kabala le gendarme absent en début de matinée. S’étant offusqué de l’acte de son collègue gendarme ayant appelé à ne pas «faciliter la tâche» aux opposants, alors qu’un fonctionnaire «doit faire son travail sans tenir compte des contingences politiques», l’agent en poste délivre finalement le passavant à l’ancien occupant du perchoir gabonais.

La parcelle qui valait 1,3 milliard de francs CFA

Guy Nzouba Ndama peut donc passer la frontière pour rencontrer, dans la ville frontalière de Boundji, un homme d’affaires Congolais ayant racheté la parcelle du Gabonais, mise en vente à Pointe-Noire au Congo. Il est question d’un terrain de près de 9 700 m² en bordure de mer de la capitale économique congolaise. En principe, la transaction devait être bouclée par l’épouse de l’ancien député du département de la Lolo-Bouenguidi. Du fait de l’importance du montant, celui-ci a entrepris d’aller lui-même conclure l’affaire avec la signature des actes de vente et l’encaissement du montant de la vente : 1,3 milliard de francs CFA. Sur ce montant, Nzouba Ndama remet 110 millions de francs CFA à son épouse «pour acheter et équiper leur maison de Dolisie, au Congo. C’est le reste, soit 1,29 milliard de FCFA qu’il va entreprendre de rapatrier au Gabon en cash», explique Echos du Nord.

Le leader politique gabonais qui estime alors qu’un virement bancaire d’un tel montant allait susciter interrogations, suspicions et «interprétation, allant jusqu’à impliquer le pouvoir congolais», prend donc l’option de ramener avec lui l’argent liquide au Gabon. Sur le retour, le douanier au poste de Kabala est de nouveau absent. L’agent du Cedoc prend sur lui de récupérer le passavant et laisse Nzouba Ndama et son chauffeur poursuivre leur route.

Comité d’accueil

Parvenus à Léconi, à quelques kilomètres du poste de Kabala, l’ancien président de l’Assemblée nationale se retrouve face à «un comité d’accueil de six personnes».  Dans l’équipe, il reconnait le commandant de brigade adjoint (CBA) ayant demandé à ses homologues Congolais d’entraver le passage de la frontière à l’opposant Gabonais. Il est question de fouiller les bagages du natif de la Lolo-Bouenguidi.

La narration de l’hebdomadaire gabonais se poursuit avec moult détails que GabonReview ne voudrait pas édulcorer : «Ce comité va entreprendre d’ouvrir les bagages. Guy Nzouba Ndama laissera ouvrir son trolley, puis le gendarme va ouvrir un autre sac dans lequel se trouvait du poisson salé. Au moment où ce gendarme voulait laisser passer l’ancien président de l’Assemblée nationale, le CBA de Kabala s’y opposera, prétextant avoir reçu des instructions pour fouiller tous les bagages. Séance tenante, il va passer un coup de fil en s’adressant à son interlocuteur en ces termes : «Commandant, l’élément est entre nos mains.» «Ouvrez ces valises», ordonnera l’intéressé à Guy Nzouba Ndama. Celui-ci va refuser d’obtempérer sans une notification du procureur de la République. Le CBA va alors appeler le procureur de Franceville pour qu’elle envoie un ordre de mission en ce sens au CBA. Le procureur demandera plutôt à l’officier de police judiciaire (OPJ) de se déporter à Franceville avec Guy Nzouba Ndama. Ce que cet OPJ, théoriquement sous les ordres du procureur, va refuser de faire. Il indiquera que son «commandant» a dit non à l’ordre du procureur et a demandé que les valises soient toutes ouvertes à Léconi. Très zélé, le CBA va inviter les personnes présentes à filmer pour «envoyer les documents à qui de droit».» La suite des péripéties est connue du public.

Argent à l’abri à l’étranger

À ses dires, l’idée de mettre son argent à l’abris à l’étranger vient à Nzouba Ndama en 2017 au moment où les comptes bancaires de Jean Ping sont saisis par les autorités gabonaises. Un ancien président de l’Assemblée nationale du Congo l’aide alors à l’ouverture d’un compte bancaire à la banque sino-congolaise pour l’amitié des peuples. Il y fait deux versements : 550 millions de francs CFA d’abord, puis 350 millions. Sur les conseils de l’ami Congolais, il entreprend de miser dans l’immobilier et achète ainsi un terrain à Pointe-Noire pour 900 millions de francs CFA. Il n’y fera cependant aucun investissement immobilier. Du fait des besoins financiers de son parti politique et de charges familiales et personnelles diverses, il décide de revendre le terrain qui a visiblement gagné en valeur.

Voilà donc les détails de l’affaire, livrés aux juges de Franceville par celui qui est soupçonné d’avoir reçu du président du Congo-Brazzaville le pactole intercepté. Si le tribunal de première instance de Franceville s’est déclaré incompétent, requalifiant les faits en crime de blanchiment de capitaux, Nzouba Ndama ne reste pas moins poursuivi. Il devrait comparaitre, à Libreville, devant un juge d’instruction spécialisé. Il est inculpé, de ce côté, pour blanchiment de capitaux et intelligence avec une puissance étrangère.

 
GR
 

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