Même si l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) va obtenir la majorité au Parlement, le président de la République doit déployer des trésors d’ingéniosité pour ne pas devenir la principale victime d’une situation engendrée par une stratégie mal conçue, sous-tendue par une analyse à courte vue.

On a l’impression de vivre dans un monde où il n’y a aucun dessein collectif, où les territoires n’ont pas la même valeur pour les dirigeants, où tout se dessine à la tête du client et où les règles, y compris morales, importent peu. © GabonReview/Focusgroupemedia (image de fond)

 

«Cette assemblée UDB-PDG vient d’enterrer les espoirs de ceux qui avaient cru en une aube nouvelle pour notre pays.» «Ces mêmes irrégularités étaient bien avérées lors des élections référendaire et présidentielle». Au terme du 2nd tour des législatives, Alain-Claude Billie-By-Nze et Joseph Lapensée Essingone n’y sont pas allés avec le dos de la cuiller. Pour eux, les Gabonais ont eu droit à du déjà-vu. Même s’ils n’ont pas osé remettre en cause les résultats des précédentes élections, ils ont voulu semer le doute sur leur crédibilité, jetant une ombre sur l’ensemble de la Transition. C’est dire si l’histoire immédiate a, d’une certaine manière, éclairé le passé récent d’un jour nouveau.

Une résonance nouvelle

Il y a quelques semaines, personne n’aurait osé parler d’«abaissement moral» en référence à la «fameuse 5ème République» née au lendemain du 12 avril 2025. Peu de monde aurait eu l’outrecuidance de critiquer l’organisation du référendum ou de la présidentielle. Pourtant, à coup de sarcasmes pour l’un et de sous-entendus pour l’autre, les deux anciens candidats à la présidentielle y sont allés avec délectation. Surfant sur les incohérences du calendrier, les hésitations et décisions hasardeuses du ministre de l’Intérieur, ils ont pointé les entorses à la loi et aux principes démocratiques. Profitant des dénonciations venues y compris de candidats de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), ils ont établi le parallèle avec les précédentes élections.

Par pudeur ou pour d’autres raisons, certains se gardent de leur emboiter le pas. Mais, les observateurs se demandent désormais si le référendum et la présidentielle furent mieux organisés. Après tout, à quelque chose près, le dispositif institutionnel et les organisateurs sont restés les mêmes. Or, au lendemain du référendum, Albert Ondo Ossa s’était fendu d’un propos sans concession. Evoquant un taux d’abstention de 70%, il avait parlé de «bourrage d’urnes», d’«usage de cartes non retirées», concluant à une élection ni transparente ni sincère. De même, après la présidentielle, il avait parlé de «mascarade», se refusant à en dire davantage. Plus factuel, Alain-Claude Billie-By-Nze avait, lui, ironisé sur les chiffres, se demandant comment le ministre de l’Intérieur s’était-il arrogé le pouvoir de porter le score du vainqueur de 90,35% à 94,85%. Si toutes ces remarques furent accueillies par des sarcasmes voire de l’indifférence, les dernières législatives leur ont donné une résonance nouvelle.

Une analyse à courte vue

Si elles peuvent paraître excessives, ces récriminations ne doivent pas être minimisées pour autant. En raison de la multiplicité de leurs origines et du fait de leur diversité, elles doivent être prises au sérieux. À Lambaréné, elles viennent d’un ministre en fonction, par ailleurs candidat UDB. À Fougamou, elles sont le fait d’une de ses coreligionnaire, actuellement sénatrice de la Transition. À Ndendé, elles portent la marque du Parti démocratique gabonais (PDG) et sont dirigées contre un membre du gouvernement, également secrétaire général de l’UDB. Dans le Woleu-Ntem, on glose sur une prétendue consigne : l’UDB doit y rafler tous les sièges pour, explique-t-on, permettre à cette province d’affirmer sa loyauté au président de la République. À Mayumba, on parle d’arrangement d’arrière-cour, conclu en marge de la loi, dans le dos de la candidate UDB, mais au bénéfice de la secrétaire général du PDG.  Dans ce fatras de révélations, on a l’impression de vivre dans un monde où il n’y a aucun dessein collectif, où les territoires n’ont pas la même valeur pour les dirigeants, où tout se dessine à la tête du client et où les règles, y compris morales, importent peu.

Mis sur le fait accompli, le président de la République doit maintenant déployer des trésors d’ingéniosité pour ne pas devenir la principale victime d’une situation engendrée par une stratégie mal conçue, sous-tendue par une analyse à courte vue.  Même si l’UDB va obtenir la majorité au Parlement, il doit prendre la mesure des ravages de ces législatives peu conformes à son ambition de départ : des élections «libres, démocratiques et transparentes». Sans céder au prêt-à-penser, il doit chercher à s’extirper du piège involontairement tendu par les tenants des thèses ethno-provinciales. Dans ses moindres lignes et interlignes, il doit explorer la Constitution afin d’inventer des mécanismes institutionnels adaptés. Au-delà, il ne doit pas transiger avec certains principes énoncés par la Charte de la Transition : probité, esprit de consensus et redevabilité.

 
GR
 

5 Commentaires

  1. Akoma Mba dit :

    Qui a gagné ces élections sur mesure? L’abstention. Le peuple silencieux attend

  2. Moussavou Ibinga Jean dit :

    « Les territoires n’ont pas la même valeur pour les dirigeant »… C’est grave. Sous les Bongo, le G2 était une province entièrement à part, un pays dans le pays, un sanctuaire où aucun autre parti que le PDG ne devait s’aventurer. Sous Oligui, certains ont la merveilleuse idée de reproduire cela avec le G9. Bientôt ils parleront aussi d' »invité indésirable » quand les gens iront à Oyem. C’est triste de voir comment en refait les mêmes choses.

  3. Moussavou Ibinga Jean dit :

    On avait reprocher quoi à Guy Nzouba en 2009 quand il avait dut qu’Omar avait le G2 comme pied droit et le G7 comme pied gauche ? On lui avait reproche quoi s’il faut aujourd’hui dire qu’Oligui à le G9 comme pied droit et le G2 comme pied gauche ? Honte à Berttand Zibi et son acolyte, parfait anonyme avant le 30 août 2023…

  4. Akoma Mba dit :

    Ce qui se passe est normal dans un pays de bénis oui oui. Qu’est-ce qui a changé? Le PDG déguisé continue de gouverner. Dans un pays normal ces élections auraient été annulées mais hélas le On va encore faire comment continue

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