Madagascar : une transition militaire s’installe après la destitution d’Andry Rajoelina
L’île de Madagascar plonge dans une crise politique majeure en octobre 2025. Après des semaines de manifestations populaires menées par le mouvement « Gen Z Madagascar », l’Assemblée nationale a voté le 14 octobre la destitution du président Andry Rajoelina, accusé d’abandon de poste et de gouvernance défaillante. Face au vide institutionnel créé par la disparition du chef de l’État, exfiltré par un avion militaire français, l’unité d’élite CAPSAT a pris le contrôle du pays, dissolvant les principales institutions et inaugurant une transition militaire dont l’issue reste incertaine. La mobilisation populaire se poursuit dans les rues d’Antananarivo tandis que la communauté internationale observe avec préoccupation.

Des membres de l’unité CAPSAT de l’armée malgache réagissent à leur accueil enthousiaste lors d’un rassemblement de la société civile réclamant la démission du président Andry Rajoelina, avant de se rendre au palais présidentiel d’Antananarivo, le 14 octobre 2025. © LUIS TATO / AFP
Depuis plusieurs semaines, la jeunesse malgache, regroupée sous la bannière du mouvement « Gen Z Madagascar », manifeste massivement contre la gestion du président Andry Rajoelina. La crise malgache trouve ses racines dans une accumulation de frustrations sociales et économiques. Les griefs sont nombreux et profonds : pénuries récurrentes d’eau et d’électricité, pauvreté endémique, corruption systémique et coût de la vie insoutenable. Ces revendications, portées par une génération déterminée à exiger des comptes, ont progressivement gagné en ampleur jusqu’à fragiliser durablement le pouvoir en place.
Le 14 octobre 2025, l’Assemblée nationale a franchi un cap décisif en votant à plus des deux tiers une motion de destitution contre Andry Rajoelina. Cette décision parlementaire, rarissime dans l’histoire politique malgache, sanctionne formellement ce qui est perçu comme un abandon de poste et une incapacité à répondre aux défis urgents du pays. En réaction, le président déchu a tenté de riposter par un décret de dissolution de l’Assemblée nationale, une manœuvre juridiquement contestée qui n’a pas empêché sa déchéance. Plus troublant encore, Rajoelina a disparu de la scène publique avant d’être exfiltré du territoire par un avion militaire français, soulevant de nombreuses interrogations sur les circonstances et les implications diplomatiques de ce départ précipité.
Une prise de pouvoir militaire pour combler le vide

Un manifestant brandit une banderole critiquant le président français Emmanuel Macron alors que des habitants se rassemblent pour un rassemblement de la société civile exigeant la démission du président malgache Andry Rajoelina à Antananarivo, le 14 octobre 2025. © LUIS TATO / AFP
Face à ce vide institutionnel béant, l’unité d’élite CAPSAT, historiquement proche du président déchu, a paradoxalement pris les rênes du pays. Cette force militaire d’élite a annoncé la dissolution du Sénat, du Conseil constitutionnel, de la Haute cour de justice et d’autres institutions clés de la République. Des chefs militaires ont été installés à la tête des forces armées, inaugurant de facto une transition militaire dont les contours demeurent flous. Les nouveaux maîtres de Madagascar justifient cette prise de pouvoir par la nécessité d’assurer la continuité de l’État et de rétablir la stabilité dans un contexte de crise sociale et politique aiguë.
Cette transition militaire soulève néanmoins de nombreuses interrogations. Si le CAPSAT était traditionnellement considéré comme un soutien du président Rajoelina, son revirement et sa décision de prendre le contrôle suggèrent soit une rupture tactique avec l’ancien régime, soit une volonté de préserver certains intérêts en l’absence du chef de l’État. La dissolution simultanée de plusieurs institutions fondamentales de la démocratie malgache constitue un bouleversement institutionnel, faisant craindre une dérive autoritaire ou une prolongation indéterminée du règne militaire.
Une mobilisation populaire qui ne faiblit pas
Malgré la prise de contrôle par l’armée, les manifestations se poursuivent dans les rues d’Antananarivo et d’autres villes du pays. La jeunesse malgache, fer de lance de cette contestation, ne semble pas disposée à accepter une simple substitution d’un pouvoir par un autre sans garanties démocratiques substantielles. Les manifestants réclament des changements profonds et structurels qui dépassent le simple remplacement de personnalités politiques. Cette détermination populaire constitue un défi majeur pour les militaires au pouvoir, qui devront composer avec une société civile mobilisée et exigeante.
La communauté internationale, quant à elle, suit de près l’évolution de la situation à Madagascar. L’exfiltration du président Rajoelina par un avion militaire français a déjà suscité des questionnements sur le rôle de Paris dans cette crise. Les organisations régionales africaines et les partenaires internationaux de Madagascar devront se prononcer sur la légitimité de cette transition militaire et sur les conditions d’un éventuel retour à l’ordre constitutionnel. L’île de l’océan Indien se trouve à la croisée des chemins, entre transition démocratique espérée et consolidation d’un pouvoir militaire dont personne ne peut aujourd’hui prédire la durée ni les intentions véritables.

















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