Après son éditorial du 10 janvier dernier dans le journal Eqconews, l’ancien patron du quotidien L’Union a été «maltraité» et «menacé de représailles» par «les nouvelles éminences du régime». Ngoyo Moussavou s’inquiétait de la situation globale du pays et demandait au chef de l’Exécutif de reprendre en main la gestion des affaires du pays. Cet homme qui ne manque pas de courage a tenu à leur répondre, avec l’intelligence qu’on reconnaît à cette plume, parmi les meilleures de sa génération dans sa corporation d’origine.

Du fait de son éditorial titré «La tyrannie du catenaccio», Germain Ngoyo Moussavou a été pris à partie par des  »requins » tapis dans l’ombre, avec promesse de lui «couper les jarrets». © Gabonreview

 

«A la génération spontanée née avec la menace à la bouche, qui m’a traité de tous les noms d’oiseaux et instruit un procès de Moscou, j’aimerais dire : ‘’c’est jeune et ça ne sait pas’’», a écrit Germain Ngoyo Moussavou. L’homme a en effet été pris à partie dans les réseaux sociaux et a reçu bien de menaces inquiétantes suite à son dernier éditorial (Lire «Y a-t-il toujours un pilote dans l’avion ?»

Avec force et muscles, il dit ce qu’il pense

L’ancien membre du courant des Rénovateurs (une branche du PDG dissoute), ancien ministre, ancien ambassadeur et ancien sénateur n’en démord pourtant pas. Il réitère son propos de la semaine dernière, en y allant avec un peu plus de muscles : «comme disait feu le Président français Jacques Chirac, ‘’un chef, c’est fait pour cheffer’’». Et de préciser : «les Gabonais n’attendent que ça : être dirigés par le président de la République qui doit reprendre les choses en main pour conjurer les incertitudes, les inquiétudes et les doutes

«Aux sources du pouvoir, c’est-à-dire à la présidence de la République, il y a un chef, un seul, qui s’appelle Ali Bongo Ondimba, et c’est en ce lieu que se joue le destin du Gabon», rappelle-t-il à ses nouveaux détracteurs. Pourtant, selon un ancien ministre des Affaires étrangères d’Ali Bongo, Ngoyo Moussavou n’a pas tort : «il exprime, à travers sa plume tranchante, un sentiment généralement partagé dans l’opinion (…) Il s’agit pour lui de manifester un désaccord avec l’entourage du chef de l’État qui cadenasse celui-ci».

La génération spontanée ne sait pas

Ngoyo Moussavou persiste : «il faut libérer le chef de l’État plutôt que l’isoler, comme c’est présentement le cas, pour des objectifs qui ne sont pas forcément les siens». L’éditorialiste du journal Eqconews se demande bien en quoi les questions posées dans son texte, notamment s’interroger sur la prise en otage du président de la République par une frange de ses collaborateurs «serait-il une manifestation d’hostilité envers le régime ? (…) Nous l’avons dit et écrit en d’autres temps : on n’enferme pas un chef, on ne l’isole pas, on ne le coupe pas de ses compatriotes ; il doit écouter tout le monde, ce qui lui permet de se forger une opinion sur la situation réelle du pays».

Pour l’ancien ambassadeur du Gabon à Paris, le pays doit revenir à un fonctionnement normal et harmonieux, et le chef doit véritablement revenir aux commandes ! Avant lui, de nombreux observateurs de la vie politique gabonaise avaient émis le même avis. Très récemment encore, des acteurs connus du paysage politique ont dit la même chose.

Même sous le parti unique

Bien que l’ancien vice-président de la République, Pierre-Claver Maganga Moussavou, ou l’ancien Premier ministre, Raymond Ndong Sima, aient déclaré ou insinué la même chose, il semblerait que l’ancien sénateur de Tchibanga-Massanga soit le seul à avoir reçu des menaces de représailles. Des membres de sa famille ayant d’éminentes positions au sein de l’establishment auraient ainsi reçu des «menaces douces», pour reprendre l’expression de Franz-Olivier Giesbert, le célèbre journaliste, éditorialiste, écrivain et patron de presse français.  Ces menaces font dire au patron d’Eqconews que «même sous le parti unique, jamais on n’avait atteint un tel degré d’intolérance et d’intimidation, dans lequel le moindre avis contradictoire vous expose à terminer vos jours dans de basses fosses, écarté, humilié, brisé moralement».

Le nouvel éditorial de Germain Ngoyo Moussavou a été publié le 17 janvier 2022, trente-deux ans après la révolte des étudiants de l’Université Omar Bongo, le 17 janvier 1990. Quelques jours après cette révolte marquée par des brutalités policières au sein du campus au mépris des règles de protection de telles enseignes, suivies de grèves sectorielles ici et là, une commission spéciale sur la démocratie fut mise en place par Omar Bongo. Germain Ngoyo Moussavou avait soutenu cette idée du président Omar Bongo, comme la plupart de ses amis – Ali Bongo Ondimba, Adrien Nkoghé Essingone, François Engongah Owono, André Mba Obame, Michael Moussa Adamo et bien d’autres. Dès le mois de mars de cette année-là, une conférence nationale fut convoquée pour dessiner la nouvelle architecture politique du Gabon.

C’est peut-être la raison pour laquelle l’éditorialiste reprend, qualifiant les nouvelles éminences du régime, un célèbre dicton : «c’est jeune et ça ne sait pas», non avoir martelé au début de son texte un aphorisme Fang, comme pour marquer la dimension nationale de sa pensée et de son interpellation : «Ma me kobe, ma me wok» (c’est moi qui parle, et c’est moi qui entends).

 
GR
 

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