Chantiers bâclés, montants détournés à donner la nausée, noms des entreprises épinglés… livré le 15 novembre 2023, le rapport d’étape de la taskforce sur la dette intérieure et extérieure dresse un constat accablant des dérives dans la gestion des fonds publics. Surfacturations, dépassements budgétaires, favoritisme… les exemples concrets cités étayent des manquements graves et généralisés.

Exemple : pour le seul lycée technique de Gamba, d’un montant initial de 12 milliards FCFA, la taskforce pointe «un dépassement budgétaire final de 3,5 milliards ne correspondant à aucune nécessité technique démontrée». © GabonReview

 

Le rapport d’étape de l’équipe anti-corruption dont GabonReview a consulté une copie, dresse un constat accablant des dérives dans la gestion des fonds publics. Mise en place par les nouvelles autorités gabonaises pour lutter contre les détournements de fonds publics, la taskforce pour les dettes intérieure et extérieure a rendu, le 15 novembre, son rapport d’étape après 60 jours de travail. Le rapport met en lumière les principaux manquements et irrégularités constatés durant cette période.

La croissance exponentielle de la dette examinée s’expliquerait notamment par la multiplication des surfacturations liées à des collusions entre dirigeants d’entreprises et hauts fonctionnaires, comme l’avait déjà révélé une précédente taskforce en 2020. Le tout nouveau rapport indique, concernant la finalisation des travaux des précédentes taskforces mises en place en 2020, que seuls 32% des dossiers ont connu des suites judiciaires. 68% des affaires sont encore en cours d’instruction ou ont été classées sans suite.

Constats sévères sur des chantiers : quelques exemples

Le rapport d’étape dresse un constat sévère de la gestion des finances publiques, étayé par de nombreux exemples concrets. Ainsi, sur le chantier du «stade d’Oyem», l’équipe de Pierre Duro relève un dépassement budgétaire de 47%, passant de 45 à 66 milliards de francs CFA, dû à une «surévaluation manifeste des quantités et des coûts unitaires». Concernant la «route Ndjolé-Medouneu», le rapport cite «des surfacturations de l’ordre de 2,8 milliards de francs CFA sur les seuls marchés de gros œuvre, soit près de 30% du montant initial». Ou encore, sur le projet de «réhabilitation des voiries de Libreville», la taskforce épingle «des prix au mètre carré anormalement élevés ayant occasionné un surcoût de 12 milliards de francs CFA».

La tasforce met également en lumière de «graves irrégularités» dans l’attribution du marché de «fourniture de médicaments génériques au CHU de Libreville», citant «des différences de prix de 200 à 300% par rapport aux prix pratiqués dans la sous-région». Abordant, entre autres, le contrat de «rénovation des lycées techniques», l’étude dénonce «l’absence totale de mise en concurrence et de publicité préalable pour un montant de 9,5 milliards de francs CFA».

Sur les travaux de construction du lycée technique de Gamba, d’un montant initial de 12 milliards FCFA, la taskforce pointe «un dépassement budgétaire final de 3,5 milliards ne correspondant à aucune nécessité technique démontrée». Quant au Plan de relogement des personnes déplacées par l’aménagement des bassins versants de Gué-Gué et Terre-Nouvelle (20 milliards FCFA), le rapport dénonce «l’acquisition de parcelles à des prix 3 fois supérieurs à leur valeur réelle». Tandis que sur le projet d’eau potable du Grand Libreville (58 milliards FCFA), des «surfacturations sur les fournitures de tuyaux» sont mises en avant, avec «des écarts de prix de 45 à 60% par rapport aux prix du marché».

Entreprises épinglées

Parmi entreprises bénéficiaires de marchés publics litigieux, la société «Raza» est citée pour son contrat de fourniture de véhicules à la Présidence, avec des «majorations de prix allant jusqu’à 46%». La compagnie «Galaxy Corporation» est épinglée pour la rénovation de bâtiments administratifs, avec «des devis surévalués de 32 à 59%». L’entreprise «Proxima» se voit reprocher des facturations excessives dans le cadre de son marché de fourniture de matériel informatique au ministère de l’Éducation nationale. Enfin, la taskforce relève de «graves anomalies» dans le contrat obtenu par la société «ATIC» pour la construction de logements sociaux à Franceville. L’attribution même de ce marché fait l’objet de «soupçons de favoritisme» d’après les termes du rapport.

Face à ces constats accablants, la taskforce préconise un renforcement des contrôles, une plus grande transparence dans les procédures d’appels d’offres et l’application de sanctions exemplaires pour les responsables impliqués dans ces malversations. L’enjeu est de restaurer la confiance des citoyens et des partenaires internationaux dans la gestion des finances publiques du pays. Le Gabon étant classé 136e sur 180 pays par Transparency International en matière de corruption, la situation constitue un problème majeur pour les finances publiques.

 
GR
 

6 Commentaires

  1. Akoma Mba dit :

    Ce rapport de la Taskforce est un scandale financier. Il faut mettre en prison tous les Administrateurs de crédits et tous les anciens ministres impliqués dans cette Mafia de détournements massifs et fausses factures.Le peuple souffre pendant que tous ces assassins vivent dans un luxe insultant, macabre et nauséabond.Nous sommes au XXIème siècle sans autoroutes ni eau potable ni électricité.On va continuer à accuser la France de notre sous-développement? Les faits sont là.

  2. Mezzah dit :

    C’est rageant de savoir que seules les entreprises sont visées/poursuivies alors que tapissent dans l’ombre les hauts fonctionnaires donneurs d’ordre et autres détourneurs d’argent public.

    C’est du grand populisme.

  3. messowomekewo dit :

    Personne ne fera la prison, vous verrez, dans la mesure où il s’agit bien d’une mafia , donc ils se tiennent tous par la barbichette. Le CTRI n’aura pas de couille pour inquiéter ceux qui sont à l’origine de ces détournements et autres surfacturations. ceux qui contrôlent l’armée et donc le CTRI sont aussi les mêmes qui tirent les ficelles, à l’origine de ces crimes économiques.Au delà de l’euphorie générée par ce qu’on appelé le coup de la libération, il faut savoir que notre pays a besoin d’un électrochoc, afin de mettre hors d’état de nuire, tous ces bandits en col blanc. Le CRTI n’a pas la possibilité de poser ce genre d’acte, trop risqué selon eux .La transition doit être la plus brève possible, pour laisser la place à un gouvernement élu pour un programme qui devra inclure la traque de tous ceux ont mis le pays en coupes réglées.

  4. Akoma Mba dit :

    Chaque jour qui passe des retraités et des fonctionnaires meurent sans toucher leurs dus et pendant des décennies Ali Bongo et ses complices se partageaient l’argent à coups de surfacturation, de détournements et pillage systématique du Gabon.
    Monsieur Ndong Sima, ne faîtes pas tourner en rond ni mener en bateau les pauvres retraités. Il y a bien de l’argent sinon endettez le pays mais de grâce, payez aux retraités leyrs dus.

  5. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonsoir Tokyo Yabangoye,

    Comme vous, j’ai la nausée! Il faut retrouver tous les responsables de ses marchés publics et les clouer au pilori. Il n’y a aucune raison qu’il bénéfice d’une quelconque clémence.

    Premier point :
    « 68% des affaires sont en instruction ou ont été classées sans suite ». Lorsque la justice gabonaise fonctionnera, alors notre démocratie prendra son essor. Car dans notre pays, on aime bien mettre la poussière sous le tapis.

    Deuxième point :
    D’après de l’article, j’ai fait un calcul rapide du « trop perçu » par ses opérateurs. Je ne fournis pas les détails du calcul.

    Trop perçu= (21+2.8+12+9.5+3.5+40+35.8)= 124.6 milliards de F cfa.

    Troisième point:
    Il faut regarder les mouvements de débit (retrait en liquides) des comptes de ces sociétés incriminées et sur une période donnée, observer les activités d’acquisitions de terrains et de constructions de bâtis auprès de l’Anuttc. La seule façon de « blanchir » les détournements de fonds publics serait d’investir dans le BTP, un secteur peu contrôlé et faiblement « imposé ». Observer également au plan juridique la création de société civile immobilière. S’il y a une forte croissance de ce type de SCI, alors on peut supposer une activité de « blanchiment » d’argent (hypothèse de travail).

    Nous n’avons pas volé notre 136ème sur 180 d’après Transparency International en matière de corruption. Restaurer les institutions suppose une plus grande transparence dans tous les secteurs, y compris, et d’abord la justice.

    Cordialement.

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