La mise en place d’un comité de crise a quelque chose de déjà-vu et déjà-entendu. A l’heure de la restauration des institutions, il faut songer à améliorer la gouvernance de la réduction des risques de catastrophe.

Sans douter de sa détermination ni nier l’urgence du moment, le gouvernement fait dans le recyclage : son comité de crise a quelque chose de déjà-vu et déjà-entendu. Il y a exactement une année en arrière, les villes de Libreville, Lambaréné et Ndjolé étaient confrontées aux mêmes intempéries. © Montage GabonReview [ici une maison dans les eaux à Libreville]

 

Rien de vraiment nouveau sous le soleil, mais il convient de le redire : en dépit de l’existence de règles générales y relatives, l’urbanisation se fait toujours de façon aussi anarchique, au point où la moindre intempérie occasionne des inondations, éboulements ou glissements de terrain, semant la mort et la désolation dans de nombreuses familles. En début de semaine, au quartier PK 8 dans les faubourgs de Libreville, des pluies diluviennes ont entrainé le décès d’une dame, prise au piège dans sa chambre à coucher suite à la l’effondrement d’un mur. Quelques jours avant, les habitants du deuxième arrondissement de la ville de Mouila s’étaient réveillés les pieds dans l’eau, déplorant d’importants dégâts matériels. Face à une telle situation, le gouvernement a mis en place un comité de crise censé répertorier les zones impactées ou susceptibles de l’être, établir une cartographie satellitaire et procéder à l’évaluation des dommages sur l’ensemble du pays.

Opération de communication

Pourtant, depuis des années, nombre d’experts ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur la nécessité de concevoir et mettre en œuvre une politique nationale de prévention et de gestion des risques de catastrophe. Au-delà des discours, les événements de ces derniers jours rappellent combien la politique climatique ne saurait se limiter à la lutte contre le réchauffement planétaire. Ils soulignent aussi la nécessité de ne pas faire dans l’empilement institutionnel en donnant à la Direction générale de la Prévention des risques les moyens de son action. Rattachée au ministère de l’Intérieur, cette administration a pour mission l’exécution de la politique nationale en matière de prévention des risques naturels ou anthropiques. Concrètement, elle est notamment chargée de prévenir les risques naturels, assurer le suivi des équipements et infrastructures, établir une cartographie des risques et de l’aménagement, diffuser et vulgariser l’information, conduire des formations aux premiers secours, mener des études, définir les normes et règlements, constater les infractions…

Sans douter de sa détermination ni nier l’urgence du moment, le gouvernement fait dans le recyclage : son comité de crise a quelque chose de déjà-vu et déjà-entendu. Il y a exactement une année en arrière, les villes de Libreville, Lambaréné et Ndjolé étaient confrontées aux mêmes intempéries. A cette époque-là déjà, les ministères sectoriels furent sommés de concevoir un plan d’urgence. Si la Première ministre d’alors se rendît sur le terrain «afin d’évaluer l’ampleur des dégâts», les solutions préconisées se résumaient une mesure ponctuelle : «assistance aux sinistrés». Au grand dam des populations, rien de durable ne fut envisagé. C’est dire si l’initiative de l’équipe Ndong Sima rappelle l’ère Rose Christiane Ossouka Raponda. C’est aussi dire si le conjoncturel l’emporte encore sur le structurel. C’est enfin dire si tout cela ressemble à une simple opération de communication.

Entamer la réflexion

En établissant des synergies entre divers acteurs, allant des pouvoirs publics aux médias en passant par la société civile, les institutions de recherche et le secteur privé, le Gabon aurait pu se doter d’une stratégie nationale de réduction et de gestion des risques de catastrophe. Dans cet exercice, le Cadre d’action de Sendai aurait pu lui servir de boussole. Malheureusement, rien n’a été fait en ce sens. A ce jour, la gestion des risques de catastrophe ne bénéficie pas d’inscription dédiée dans la loi de finances. Le cadre juridique ? Épars, il est peu adapté. Quant au cadre institutionnel, il se résume en une fantomatique plate-forme nationale présidée par un représentant de la Primature. Raymond Ndong Sima n’avait pas il connaissance de l’existence de cette «commission nationale multisectorielle» ? Pourquoi a-t-il créé une entité ad hoc ?

Pour tout gouvernement, la réduction des risques de catastrophe doit être une priorité. Même en période de transition, il doit être un des objectifs de l’action publique. À l’heure de la restauration des institutions, il faut aussi songer à améliorer sa gouvernance. Si les travaux d’aménagement nécessitent des investissements lourds, à moyen et long termes, il faut au minimum une cartographie des zones à risques. Il faut aussi entamer la réflexion sur un déploiement de la Protection civile et l’installation des sapeurs-pompiers sur l’ensemble du territoire. La réduction des pertes en vies humaines, d’atteintes aux moyens de subsistance, à la santé des personnes, aux biens économiques, physiques, sociaux, culturels et environnementaux est aussi à ce prix.

 
GR
 

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