Conglomérat de sept organisations de la société civile, le Front gabonais contre l’endettement tire la sonnette d’alarme quant à la dette éléphantesque du Gabon dont l’encours a «augmenté de 276% sans aucun résultat sur le développement et le bien-être des populations : 33,4% du taux de pauvreté». À travers une lettre ouverte notamment envoyée à Gabonreview, le front fustige les institutions internationales et partenaires du Gabon qui continuent de prêter de l’argent à «un pouvoir illégitime» sachant bien «que cet argent ne profite nullement à ses populations». C’est le principe de la «Dette odieuse», rappelée ici avec tous les risques encourus par ses artisans au Gabon et à l’international.

«Tous les créanciers du Gabon deviennent de ce fait complices de la spoliation dont sont victimes les Gabonais(es) depuis 60 ans.» © Gabonreview/Shutterstock

 

A l’attention des Institutions et gouvernements partenaires du Gabon. 

Mesdames, Messieurs,

Les mouvements de la société civile gabonaise tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Gabon, réunis pour la circonstance, en responsabilité et résolument déterminés à tourner la page de l’imposture, viennent vous partager leurs inquiétudes sans cesse grandissantes face à la dégradation du climat social, économique et politique du Gabon.

Il est utile de vous rappeler qu’à l’issue des différentes élections présidentielles de 2009 et 2016, Ali Bongo Ondimba, dans un déni total de la volonté du Peuple souverain, s’est fait proclamer Président du Gabon au terme de massacres inédits de notre histoire politique.

Dans l’esprit de la Charte des Nations Unies, la démocratie est une composante essentielle du droit des peuples à l’auto-détermination. L’accord du G8 d’octobre 2001, le Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique, l’accord de l’Union Européenne, Lomé IV, du 15 décembre 1989 et d’autres instruments posent très clairement la conditionnalité démocratique comme condition essentielle pour toute coopération. Partie prenante à ces textes de référence en matière démocratique, le Gabon, du moins ses dirigeants, en privent du bénéfice le peuple gabonais, comme si de telles prescriptions constituent un luxe dont les gabonais n’ont nul besoin.

Le phénomène qui semble préparer le chaos du Gabon, outre le déni de démocratie et des droits humains, reste l’endettement injustifié de notre pays. En 10 ans, l’encours de la dette du Gabon a augmenté de 276% sans aucun résultat sur le développement et le bien-être des populations : 33,4% du taux de pauvreté, selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, et 20% du taux de chômage pour un pays qui regorge de richesses, avec une population d’à peine 2 millions d’habitants. A la question de savoir à quoi sert l’endettement du Gabon, l’actuel Premier Ministre a répondu sur les ondes de TV5 que « le Gabon s’endette pour rembourser ses dettes ».

Comprenne qui pourra !

Notre collectif interpelle votre sens de responsabilité devant l’histoire et attire votre attention sur une situation qui pourrait engendrer des conflits demain. En continuant de prêter de l’argent à ce gouvernement, vous savez très bien que vous traitez avec un pouvoir illégitime et que cet argent ne profite nullement à ses populations. De ce fait, la dette ainsi contractée est dite « odieuse » car, depuis 1927, avec Alexandre Nahum Sacck, Ministre de Nicolas II, il est admis que « si un pouvoir despotique contracte une dette non pas pour les besoins et l’intérêt de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat tout en confortant sa fortune personnelle (…), cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier. » Ainsi, cette dette de régime qui n’engage nullement le Gabon ne saurait peser sur l’avenir de nos enfants, puisqu’il s’agit d’une dette qui n’engage que le pouvoir qui l’a contractée. Deux illustrations parmi tant d’autres : en 2009, le Groupe de la Banque Africaine de Développement a accordé au Gabon un crédit inédit de 165 milliards de francs CFA pour bitumer l’essentiel du réseau routier national mais les Gabonais(es) sont étonnée d’apprendre, 10 ans plus tard, l’annonce d’un projet identique avec un simplement changement de dénomination, « la Transgabonaise », sans savoir ce qu’est devenu le premier ;  en 2016, dans le cadre du « Programme d’Investissement dans le Secteur de l’Education (PISE », Le Gabon s’est endetté auprès de l’AFD pour la construction et la réfection de 500 salles de classe à hauteur de 101 milliards de FCFA. Outre le coût pharaonique du projet (202 millions de FCFA pour une salle de classe !), 4 ans plus tard, aucune salle de classe n’est livrée !

« Dans le contexte actuel d’augmentation de l’endettement des États, la transparence de la dette est devenue une question essentielle, et ce pour plusieurs raisons. En effet, les créanciers doivent évaluer précisément la viabilité de la dette de leurs emprunteurs potentiels, les citoyens doivent pouvoir demander des comptes aux gouvernements sur la dette qu’ils contractent et les emprunteurs doivent définir des stratégies fondées sur une perception claire du niveau et du profil coût/risque de la composition de leur dette [1]». Cette invitation à la transparence faite par Diego REVETTI, spécialiste de la dette à la Banque Mondiale, serait-elle un simple vœu pieux ?

Au lieu d’alimenter la dette odieuse, il serait plus utile, juste et responsable d’accompagner le Gabon dans ses soifs et aspirations profondes : plus de justice, de bonne gouvernance, une démocratie effective, dépouillée d’artifices cosmétiques liberticides et en porte-à-faux avec sa culture et ses valeurs.

En faisant le contraire, tous les créanciers du Gabon deviennent de ce fait complices de la spoliation dont sont victimes les Gabonais(es) depuis 60 ans. Ils hypothèquent l’avenir de notre nation et, partant, de nos enfants au profit des intérêts égoïstes et opprobres. Ils poussent ainsi les Gabonais(es) à la révolte ! Ils contribuent à l’enrichissement illicite d’un groupuscule qui s’accroche au pouvoir par la force en dépit de leurs désaveux cinglants au terme de chaque rendez-vous électoral.

Le Collectif soutient que le Gabon n’a pas besoin de ce type de prêts pour se développer. Ces prêts ne développent pas le pays, ils l’appauvrissent et l’endettent pour des générations. Ces prêts reviennent directement et frauduleusement dans vos propres caisses et dans les comptes familiaux des dirigeants du Gabon et alliés sans que le Gabon et ses populations n’en bénéficient.

En somme, le Front lance cette démarche pour :

  • Exiger de façon transparente un audit de la totalité de la dette du Gabon pour identifier les projets financés et réalisés d’une part, et faire la lumière sur la complicité des bailleurs et des acteurs gouvernementaux du Gabon au regard du nombre impressionnant d’éléphants blancs à l’échelle nationale, d’autre part.
  • Exiger des bailleurs, créanciers du Gabon, de mettre un terme immédiat sur l’endettement du pays qui aggrave dangereusement la pauvreté et le déficit de services sociaux de base afin que les dirigeants actuels du pays soient mis devant leurs responsabilités et se mettent enfin à l’école de la bonne gouvernance et de l’écoute du Peuple.

En complément à tous ces précédents déjà bien documentés, dorénavant, les prêts en direction du Gabon doivent cesser et nous nous réservons le droit, le moment venu, de mener des actions judiciaires contre des institutions et individus complices de la prédation continue et éhontée du Gabon.

Nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, nos salutations humaines, citoyennes et fraternelles.

Pour le Front,

  • Génération Nouvelle
  • Association Printemps du Quart-Monde
  • OGARSAI
  • Réagir
  • ROLBG
  • New Power
  • Association de développement des peuples autochtones – pygmées
  • Les Témoins Actifs

[1] Diego REVETTI, https://blogs.worldbank.org/fr/opendata/mieux-visualiser-le-degre-de-transparence-des-dettes-publiques

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Milangmissi dit :

    L’Histoire retiendra cette sortie, le jour où le Gabon sera libéré et que nous refuserons de payer cette dette, ceci sera un excellent argument. Ils ne diront pas qu’ils n’avaient pas été avertis.
    “Celui qui n’empêche pas un crime alors qu’il le pourrait s’en rend complice.”Sénèque

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