Depuis l’introduction de la biométrie en 2011 dans le système électoral, le contentieux électoral qui, jadis se cristallisait à tort ou à raison sur l’absence de fiabilité de la liste électorale, s’est déplacé sur d’autres paradigmes à l’exemple de la centralisation des résultats électoraux. Gabonais lambda, Okarambomo m’Empoussa brosse le tableau de la problématique en débat, revenant les circonvolutions du système électoral gabonais. Numéro d’identification personnel, fiabilisation de la liste électorale, interconnexion des bases de données, etc. Une véritable petite archéologie du dispositif électoral gabonais, sempiternellement controversé à chaque grande consultation.

© GabonReview

 

Appel à la concertation politique des partis politiques de l’opposition autour de la transparence électorale et transfert de compétence relative à la confection de la liste électorale du Ministère de l’Intérieur au Centre Gabonais des Elections en débat.

La classe politique gabonaise se mobilise suite à l’annonce clairvoyante du Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA relative à la tenue d’une nécessaire concertation en matière de transparence électorale, appelée de tous leurs vœux par les acteurs politiques et une partie de la société civile. Historique, solutions technologiques, réformes relatives aux grands registres de l’Etat,

Elles y voient dans la perspective de l’organisation des élections générales de 2023, une opportunité de revisiter le chantier qui mène à la vérité des urnes et qui est en passe de devenir pour cette composante de notre société, un parfait mythe de Sisyphe.

Cette opportunité a été saisie avec une certaine habilité politique par certains regroupements de l’opposition à l’instar de la Ligue Panafricaine et Patriotique de la Défense de la Souveraineté (LIPPADES) qui ont mobilisé une partie de leurs leaders politiques au mois de décembre dernier pour se pencher sur cette question.

Une des pistes de solution envisagée est le transfert de compétence relative à l’enrôlement et la confection de la liste électorale du Ministère de l’Intérieur au Centre Gabonais des Elections.

Cette même réflexion est menée parallèlement par d’autres plateformes de l’opposition et de la société civile à l’image de la PG41, le Consortium des Organisations de la Société Civile pour la Transparence Electorale et la Démocratie (COTED-Gabon), la Plateforme Nationale de la Société Civile Gabonaise (PNSCG) et bien d’autres.

Solutions techniques

Mais on a tendance à oublier que les solutions apportées sur cet éternel chantier sont de nature technique. Ceci n’enlève en rien, toute la portée politique d’une problématique qui a toujours été débattue lors de toutes les concertations initiées au Gabon, à savoir : la Conférence Nationale de 1990, les Accords de Paris de 1994 et- ceux d’Arambo de 2007 et récemment le dialogue politique d’Angondjé en 2017.

Les dernières assises nationales en date, celles d’Angondjé inscrivaient dans son rapport général en page 20, la décision de limiter le rôle du Ministère de l’Intérieur dans les prérogatives de préparation des opérations pré électorales notamment :

-L’enrôlement des électeurs ;

-l’établissement de la liste électorale ;

-La fixation de centres et bureaux de vote ;

-La commande et le convoyage du matériel électoral.

L’une des décisions des plus emblématiques du Dialogue Politique d’Angondjé aura été celle de confier l’annonce des résultats des scrutins électoraux au Centre Gabonais des Elections au détriment du Ministre de l’Intérieur. Dans la même veine, on ôtait également au Ministère de l’Intérieur à raison d’ailleurs, la compétence de proposer la liste d’aptitude des Présidents des bureaux de vote.

Le maintien dudit Ministère dans la préparation des opérations pré électorales était en revanche, en toute cohérence avec les reformes devant permettre la mise en place des Grands Registres de l’Etat, en l’espèce ici le Registre National de l’Etat-civil.

La particularité de ces reformes fortement encouragées par la classe politique, visait par voie de conséquence la fiabilisation du fichier électoral d’autant plus qu’il serait extrait de ce Grand Registre. Les grandes innovations dans cette optique étaient de nature, à éviter les inscriptions multiples d’un même individu sur la liste électorale, à éliminer le vol d’identité et la fraude documentaire mais également permettre de faire communiquer les différentes bases de données des différentes administrations censées produire et générer les données d’identification personnelle constitutives de l’état-civil.

 Il faut se rendre à l’évidence, que la France qui est constamment la référence des pays francophones, sa liste électorale est confectionnée à partir du croisement des données informatives livrées par les Caisses de Sécurité Sociale, la Police Nationale et les autres administrations déconcentrées de l’Etat productrices des actes d’état-civil.

Réformes relatives aux Grands Registres de l’Etat : Un enjeu de la transparence électorale*

 L’enjeu majeur qui se joue avec l’élaboration des reformes sur les Grands Registres de l’Etat est de tisser in fine, un lien organique entre les différentes entités de l’Etat impliquées dans la déclaration des faits de vie (naissance, mariage, adoption, décès…), pour en assurer le contrôle dans l’exploitation des données.

Il faut se convaincre de ce que, la fraude à l’inscription sur les listes électorales bien que rendue extrêmement improbable aujourd’hui avec l’introduction de la biométrie, est dans une grande partie engendrée par l’absence de fiabilité des sources de délivrance des actes d’Etat-Civil. Une liste électorale fiable dépendrait finalement des facteurs exogènes à l’environnement dédié à l’organisation des scrutins électoraux. C’est donc une vue de l’esprit, que de penser un seul instant que le seul transfert de compétence de la confection de cette liste du Ministère de l’Intérieur au Centre Gabonais des Elections est la solution politique la plus vertueuse en la matière.

De quelle expertise peut se prévaloir le Centre Gabonais des Elections pris isolément pour extraire les électeurs décédés d’une liste électorale biométrique, permanente et actualisée ? Faut-il peut être dans ces conditions, que le C.G.E mette en place sa propre technologie de l’information et la communication, en vue de la gestion de l’Etat-Civil, à l’exemple du dispositif actuel de l’administration territoriale singulièrement le projet IBOGA traitant de la biométrie. Le Centre Gabonais des Elections devrait donc avoir dans ce cas et dans ses rangs ses propres officiers d’Etat-Civil ?

On assisterait dans cette vision surréaliste à l’existence d’un fort risque de chevauchement de compétences, dès lors que l’on transfert les compétences régaliennes détenues par le Ministère de l’Administration du Territoire vers un organisme administratif bien qu’autonome, à compétence exclusivement électorale. Pour rappel, cette expérience a d’ailleurs été expérimentée lors de la création de la Commission Nationale Electorale (CNE) en 1998 et sauf à nous démentir, aucun acteur politique de l’époque ne peut affirmer que le résultat fut à la hauteur des espérances suscitées.

Depuis le 24 décembre 2020, le Parlement gabonais a adopté successivement les lois sur le Numéro d’Identification Personnel (NIF) dite loi n°027/2020, promulgué par le décret n°00420/PR du 24 décembre 2020, ainsi que celle portant sur l’organisation de l’Etat-civil en République Gabonaise en attente de promulgation.

Le Numéro d’Identification Personnel aura l’avantage d’attribuer des caractères spécifiques, alpha numériques à un seul individu. L’intérêt de ce NIP sera de lier de manière certaine chaque personne physique à son identité et ce quel que soit la nature du titre sécurisé. C’est dire que son champ va couvrir les conditions d’établissement de la Carte Nationale d’Identité, de l’Acte de naissance, du Passeport, de la Carte d’Electeur, du Permis de Conduire, de la Carte de Séjour, de la carte des assurés sociaux, des diplômes d’état…

Dans ce nouveau contexte en préparation, le Centre National de l’Etat Civil, gestionnaire des données du NIP se chargera de sa génération et de son attribution, en devenant l’interlocuteur privilégié du CGE pour mettre fin à la fraude documentaire si les standards en la matière sont respectés dans la conception de la liste électorale. D’ailleurs, la loi créant le Centre National de l’Etat-Civil lui donne la mission de : « Fournir des informations et des services fondés sur l’application des données contenues dans le NIP aux autres services de l’Etat qui en font la demande ».

 Il apparait clairement que sur l’exploitation des données informatives de l’Etat Civil, le Centre Gabonais des Elections et le futur Centre National de l’Etat-Civile, rattachés par l’interconnexion des bases de données auront désormais des compétences liées et partagées.

Les nouvelles dispositions inspirées par l’interconnexion des bases de données informationnelles suggèrent que le Centre Gabonais des Elections renforce son expertise en matière de communication digitale. Elle devrait régulièrement s’assurer de l’authentification des données servies par le Centre National de l’Etat-Civil et ses différentes sources d’alimentation de données. Ceci, pour accomplir les missions de suivi-évaluation de la qualité et des conditions techniques de traitement de la liste électorale.

La sanctuarisation du CGE réclamée par une partie de la classe politique parait désormais, en déphasage avec le dispositif technologique d’application numérique envisagé dans une perspective d’interconnexion des bases des administrations impliquées dans le traitement des éléments constitutifs de l’Etat-Civil.

L’interconnexion des bases de données des administrations publiques et son lien avec la fiabilisation de la liste électorale…

Ce constat ne permet plus au CGE d’évoluer de façon isolée, sa déconnexion devient inopérante dans ce nouvel environnement technologique. Il ne peut avoir les moyens de son indépendance et de sa politique concurremment aux services territoriaux de l’Etat appelés à produire des monographies administratives annuelles.

Par ailleurs, par souci de cohérence de textes, la loi sur le Numéro d’Identification Personnel évoque incidemment les missions du Centre National d’Etat-Civil dans son article 7. Mais on attend avec impatience que le texte fixant son organisation et son fonctionnement soit également promulgué par le chef de l’Exécutif. Après bien entendu le contrôle de régularité à la constitution exercé en ce moment par la Cour Constitutionnelle sur cette loi d’envergure.

L’agenda des élections générales de 2023 dicte finalement l’urgence de la mise en opérationnalité des structures de gestion des Grands Registres de l’Etat. Autrement dit, cette urgence convoque la mise en œuvre des réformes entreprises salutairement par le Ministère de l’Intérieur. Notamment par l’élaboration des outils de perfectionnement de notre démocratie balbutiante.

Une Commission regroupant les experts de l’administration, de la Majorité et de l’Opposition pourrait définir pourquoi pas les modalités de collaboration technique entre le CGE et le Centre National de l’Etat-Civil. Il s’agit précisément d’envisager l’élaboration d’un véritable manuel de procédures, en phase avec les exigences de la transparence dans la confection de la liste électorale.

En somme, nous devons à la vérité de reconnaitre que, depuis l’introduction de la biométrie en 2011 dans notre système électorale notamment dans la confection de la liste électorale,  il est loisible de constater que le contentieux électoral qui jadis se cristallisait à tort ou à raison sur l’absence de fiabilité de la liste électorale, s’est plutôt déplacé sur d’autres paradigmes à l’exemple de la centralisation des résultats électoraux.

L’enjeu de la transparence électorale ne réside donc plus sur la fiabilité de la liste électorale devenue biométrique et permanente et qui lie de manière certaine l’inscrit de son identité grâce à ses caractères morphoantropologiques, rendant ainsi impossible les inscriptions multiples. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si l’expertise gabonaise est souvent sollicitée par d’autres pays sur le continent souhaitant opérer la même mutation technologique en matière de gestion du fichier électoral.

Auteur : Okarambomo m’Empoussa

 
GR
 

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