Quoi que l’on en dise, la prise du pouvoir par les militaires au Gabon est un moment de rupture qui représente une opportunité inespérée pour poser les jalons d’un Gabon nouveau. Pour Mamadou Diatta et Yannick Egnongo, respectivement docteurs en Science politique et Relations internationales et en Science de Gestion, il est impératif pour les autorités de la transition d’œuvrer à la réconciliation des Gabonais avec la République, les institutions, et les individus qui les incarnent. Dans la tribune ci-dessous, les auteurs estiment que la poursuite de l’intérêt général et le respect des principes intangibles de l’État de droit doivent en tout temps prévaloir.

Il est impératif pour les autorités de la transition d’œuvrer à la réconciliation des Gabonais avec la République, les institutions, et les individus qui les incarnent, estiment les Docteurs Mamadou Diatta et Yannick Egnongo. © D.R.

 

Mamadou Diatta est Docteur en Science Politique et Relations Internationales de Sciences Po Paris. © D.R.

Les Gabonais dans leur ensemble, à l’exception des thuriféraires du Parti Démocratique Gabonais (PDG), ont vécu le 30 août 2023 comme un jour de libération. La prise du pouvoir par les militaires était inespérée et a été accueillie dans une liesse populaire qui reflète le niveau très élevé de mécontentement, voire de désamour viscéral, des populations envers le pouvoir déchu.

Il faut dire que ce dernier, à travers son immobilisme constant et la fatuité démonstrative de ses laudateurs, avait fini par entériner la fracture profonde entre les Gabonais « normaux » et le Gabon « d’en haut ».

C’est dans ce contexte empreint à la fois d’espérance et de scepticisme, que le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) devra s’attaquer à son chantier le plus épineux :  la réconciliation du peuple Gabonais avec la chose politique.

En effet, comment renouer le lien entre le citoyen Gabonais et ses institutions dans un pays où cette relation a été gangrénée pendant de nombreuses années par des détournements financiers, des promesses non tenues, et pire le manque de considération envers le peuple ?

Ces questionnements, qui s’apparentent à des constats, sont également étayés par des données de Afrobaromètre, qui bien qu’imparfaites, permettent néanmoins de mettre en exergue la défiance du peuple à l’égard de l’État Gabonais et de ses institutions.  Avant l’élection présidentielle du 26 aout 2023, seuls 8% des Gabonais avaient confiance dans l’institution président de la République, contre près de 50% qui ne lui faisaient « pas du tout confiance », tandis que le reste n’avait que « très peu » ou « partiellement confiance » en l’exécutif du pays.

Le peuple avait encore moins foi en la représentation nationale avec seulement 4,8% de personnes qui faisaient « beaucoup confiance » à l’Assemblée Nationale, quand 52% des personnes interrogées ne faisaient « pas du tout confiance » à ce maillon essentiel de la démocratie représentative. Près de 85% des répondants estimaient même que la performance des députés était en deçà de leurs attentes.

En ce qui concerne l’institution judiciaire, les chiffres étaient meilleurs mais pas très reluisants non plus : 38% des citoyens ne faisaient « pas du tout confiance » à nos cours et tribunaux, pour 7,7% de personnes qui avaient « beaucoup confiance » dans notre système de justice. La confiance des Gabonais en nos forces de défense se situait plus ou moins dans les mêmes proportions que leur avis sur l’institution judiciaire.

Yannick Egnongo est Docteur en Science de Gestion de l’université Grenoble Alpes. Expert en Fusions – Acquisitions . © D.R.

A lumière de tout ce qui précède, l’un des défis majeurs des autorités de la transition sera de réconcilier les Gabonais avec la République, ses institutions et les individus qui l’incarnent. Cela passera nécessairement par la mise en place d’institutions fortes qui répondent aux aspirations des Gabonais et dans lesquelles ils se reconnaissent. Il faudra sortir de la pratique d’institutions et de textes taillés sur mesures et de l’application de la règle de droit « à la tête du client ».

Et tout cela commence par les institutions de la transition qui, bien que n’étant pas issues des urnes, devront être dans une nécessaire posture de contrition et faire preuve d’une probité irréprochable afin de retisser le lien avec la société au sein de laquelle elles évoluent et au service de laquelle elles sont censées agir. Afin de véritablement convaincre les populations du bien-fondé de leurs futures actions, le discours des autorités de la transition devra être en totale cohérence avec leurs actes, et dans le strict respect des principes intangibles de l’État de droit.

In fine, si les Gabonais attendent désormais une nouvelle constitution, celle-ci doit être le fruit d’un processus inclusif auquel toutes les couches de la société auront participé. De même que les institutions qui auront la lourde tâche de l’organisation d’élections devant mettre un terme à cette période de transition, devront jouir de l’onction de toutes les forces vives de la nation. Un avenir radieux pour notre pays ne pourra se construire que sur des bases solides qu’il nous faut jeter au moment même où la transition se met en mouvement, sans quoi nous raterons l’opportunité d’un véritable « essor vers la félicité ».

Mamadou Diatta est Docteur en Science Politique et Relations Internationales de Sciences Po Paris. Expert en Science Politique, Relations Internationales, Politique et Administration Publiques. Il est cadre dans une ONG internationale et chargé d’enseignement vacataire à Sciences Po Paris.

Yannick Egnongo est Docteur en Science de Gestion de l’université Grenoble Alpes. Expert en Fusions – Acquisitions, actuellement Cadre dans un Cabinet de Conseil International.

 

 
GR
 

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