Le logement social, longtemps considéré comme un levier d’équité et de stabilité urbaine, a connu au Gabon une trajectoire en dents de scie, entre âge d’or et profond déclin. De la vitalité des années 1980-2000 à la léthargie des quinze dernières années, les politiques publiques ont oscillé entre ambition et désengagement, laissant un déficit criant et une urbanisation désordonnée. Dans cette tribune, l’économiste et financier François Owono* Messi retrace les causes structurelles de cette dérive et plaide pour une refondation concertée du modèle gabonais de l’habitat social, fondée sur la synergie des acteurs publics et privés.

Logements sociaux au Gabon : «Définir une politique publique claire permet d’asseoir un dispositif de financement et de réalisation des programmes dans le temps.» (Ici : la cité de la Caisse à Libreville). © D.R.

 

Inspecteur central du Trésor public, François Owono Messie est reconnu dans les milieux financiers pour sa contribution à la modernisation du service public et pour son implication dans la création de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), ainsi que pour le maintien du Fonds National de l’Habitat (FNH). © D.R.

Historique

Les années de gloire du logement social remontent à la période de 1980 à 2008 avec la construction des lotissements Akebe-Likouala, Nomba-domaine, Nzeng-Ayong, Akournam, Angondjé, Cité Mébiame, cité CNSS , Mindoubé et bien d’autres dans l’arrière pays. Ils étaient principalement l’œuvre de l’Etat, du FNH, de la SNI et la CNSS, des opérateurs publics qui ont largement contribué à l’amélioration des conditions d’habitat et de vie de plusieurs familles vivant sur le territoire national. Les logements étaient proposés en location simple, location vente ou en achat au comptant, les parcelles viabilisées également. Ces programmes étaient soutenus par des mécanismes d’aides à la personne comme la bonification des loyers et le refinancement bancaire. La BGD, le CREFOGA et la BHG constituaient le dispositif de financement des crédits acquéreurs et promoteurs. Ces banques publiques accédaient directement au guichet de refinancement, à taux préférentiel, de la Banque Centrale. Le Compte de Refinancement de l’Habitat (CRH-Gabon), une « appendice » du FNH, venait compléter le système de refinancement.

Des programmes à l’arrêt durant une quinzaine d’années : Explications

A l’origine, le transfert des recettes du Fonds National de l’Habitat (FNH) à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) comme ressources propres de cette institution. Une décision inique et contraire à l’esprit de l’ordonnance 024/PR/2010 du 12 août 2010 portant création de la CDC ; laquelle en faisait tout simplement le dépositaire au même titre que les autres comptes d’affection spéciale. Une méprise qui a privé le fonds de ses ressources opérationnelles et provoqué l’arrêt du financement des programmes. Une erreur qui a été récemment corrigée par les autorités actuelles. Entre-temps, le déficit annuel s’est aggravé pour atteindre les 300.000 logements. Les quartiers sous- intégrés et le phénomène de bidonvilisation se sont développés sous le regard complice des acteurs publics.

Reprise des programmes de construction des logements sociaux

Définir une politique publique claire permet d’asseoir un dispositif de financement et de réalisation des programmes dans le temps. Une synergie d’actions est nécessaire entre les opérationnels du secteur en l’occurrence la SNI, le FNH, les Organismes de protection sociale, la CDC, l’ANUTTC, la BCEG, les partenariats public privé et les plans d’épargne logement ; chacun pouvant jouer sa partition en vue de pérenniser les programmes. Pour y parvenir, les pouvoirs publics doivent, préalablement, mener des actions visant notamment :

– la relance de l’assistance à l’auto-construction ;

– l’autonomie du FNH pour qu’il promeuve la chaîne des valeurs du secteur ;

– la recapitalisation de la SNI, la reprise de ses activités de construction en régie et l’abandon de la sous-traitance ;

– la réorganisation de l’ANUTTC en un guichet unique du foncier ;

– l’ouverture de la BCEG au crédit immobilier et le renforcement de ses fonds propres ;

– la domiciliation d’un compte de refinancement de l’habitat à la CDC à hauteur de 20% des recettes du FNH ;

– l’investissement des Collectivités locales dans l’immobilier social ;

– la mobilisation des fonds RSE pour les projets de logements sociaux ;

– l’utilisation des fonds de pensions et des réserves techniques du régime d’assurance maladie dans l’immobilier social ;

– le recours aux différents plans d’épargne logement.

En somme, tout un dispositif obligeant l’entité administrative en charge du programme <Habitat et Logement> à mettre en application le schéma directeur d’aménagement et de l’urbanisme (SDAU). Un document de planification stratégique d’importance qui organise la vie en zones urbaines et permet d’anticiper sur les mouvements des populations vers les villes.

François OWONO MESSI*

Economiste & financier

Inspecteur principal du Trésor

Diplômé du centre d’études financières, économiques et bancaires de Paris

 
GR
 

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