Il faut doter le pays d’un Parlement à même de contribuer à la construction d’un Gabon nouveau. Pour les électeurs, le scrutin du 11 octobre sera un test de maturité civique.

Le scrutin du 11 octobre doit déboucher sur un Parlement multicolore, composé de toutes les sensibilités ayant animé la Transition. Il en va de la survie du débat démocratique, de la vitalité de notre jeu politique et de la crédibilité de nos institutions. © GabonReview (capture d’écran – Groupe Gabon Télévisions)

 

Comme celle du 1er tour, la campagne du 2nd tour aura été d’une piètre qualité. Réduite à des tractations d’arrière-boutique, elle a été marquée per le confusionnisme, le président de la République se retrouvant abusivement cité par des candidats en manque d’idées. Là où chacun se devait de fendre l’armure, d’aucuns ont choisi l’argument d’autorité, coupant court à tout débat. Pourtant, lors de son investiture, Brice-Clotaire Oligui Nguéma l’avait affirmé : son offre politique est celle du peuple gabonais et non d’une quelconque fraction. Pour cette raison, le scrutin du 11 octobre doit déboucher sur un Parlement multicolore, composé de toutes les sensibilités ayant animé la Transition : organisations politiques, personnalités indépendantes, militants associatifs et agents des forces de défense et de sécurité répondant aux prescriptions légales. Or, pour l’heure, cet objectif ne semble être ni le mieux partagé ni le mieux compris. Bien au contraire…

Ouvrir une ère de négociation permanente et de compromis

Pour autant, rien ne doit éluder la portée historique de ce scrutin. Rien ne doit faire oublier son but ultime : doter le pays d’un Parlement à même de contribuer à la construction d’«un Gabon nouveau, un Gabon qui illumine l’avenir par son unité, sa vitalité et son esprit d’innovation». En clair, il faut une majorité plurielle et responsable, reflétant la diversité du pays et capable de soutenir le président de la République sans devenir une chambre introuvable ni se dissoudre dans de vaines polémiques.  Pour y parvenir, les Gabonais doivent voter en conscience, sans céder au chantage ou à l’intimidation. Jamais, ils n’ont autant été mis dans l’obligation d’accoucher d’une assemblée nationale vivante, lucide et courageuse, capable de concilier la verticalité du pouvoir à l’horizontalité de l’action publique. Il en va de la survie du débat démocratique, de la vitalité de notre jeu politique et de la crédibilité de nos institutions.

En effet, comme nous l’avons écrit à moult reprises, avec la nouvelle Constitution, notre pays a basculé dans une forme de présidentialisme renforcé, le chef de l’État étant aussi chef du gouvernement et pivot de l’action publique. Justifié par un souci d’efficacité, ce choix a certes dissipé l’ambiguïté du régime semi-présidentiel, mais il a rendu prégnante la question de la respiration démocratique. Déjà, les propos de certains candidats le laissent suggérer : à brève échéance, il y a risque de voir le Parlement se muer en prolongement ou en caisse de résonance du cabinet présidentiel. Or, la Transition et la réforme constitutionnelle portaient un projet clair : «Bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un Etat de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable.» En un mot, il était question de rompre avec la logique d’obéissance mécanique pour ouvrir une ère de négociation permanente et de compromis.

Cohabitation entre un exécutif fort, mais isolé et, un Parlement libre, mais marginal 

Certes, la dispersion des forces peut retarder l’adoption de certaines réformes, brouiller la lisibilité de l’action et transformer le Parlement en champ de bataille politique ou idéologique. Mais, entre loyauté et confiance, un juste équilibre peut être trouvé, à condition d’inventer des mécanismes nouveaux : dialogue inter-institutionnel, médiation institutionnelle, co-production législative… En entrant dans l’isoloir, les électeurs devront se poser cette question : comment contraindre les pouvoirs publics au dépassement afin de permettre une cohabitation harmonieuse entre un exécutif fort, mais isolé et, un Parlement libre, mais marginal ? Après tout, pour ancrer la légitimité dans la durée, il faut accepter la contradiction, l’échange et, parfois, la lenteur. Loin d’être une faiblesse, c’est une marque de solidité. De ce point de vue, une majorité monolithique pourrait se révéler contre-productive : si elle peut avoir l’apparence de la stabilité ou le mérite de la cohérence, elle finit toujours par stériliser la démocratie et nuire à la respectabilité des institutions.

Dans un contexte où des irrégularités ont émaillé le 1er tour, il faut absolument songer à garantir la crédibilité du prochain Parlement, élément essentiel du dispositif institutionnel.  A cet égard, il faut s’astreindre au strict respect des dispositions légales. Mais il faut aussi en appeler à la lucidité, à la clairvoyance et à la responsabilité des électeurs. À cet égard, le scrutin du 11 octobre sera un test de maturité civique. À la veille de ce vote historique, chacun doit y réfléchir. Au-delà, chacun doit s’efforcer d’anticiper sur les conséquences éventuelles des différents choix. La démocratie apaisée et durable est peut-être aussi à ce prix.

 
GR
 

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