Publiée le 29 décembre dernier, la note du président de la Commission nationale des prix des pétroliers (CNPP) intervient plus de 100 jours après la chute d’Ali Bongo et au lendemain de l’adoption de la loi de finances.

L’Etat aura-t-il les moyens de cette politique ? Pourra-t-il maintenir un niveau élevé d’investissement dans les infrastructures et le capital humain ? A-t-il procédé à des simulations préalables ? © GabonReview

 

On ne le répétera jamais assez : depuis des années, les populations se plaignent de la cherté de la vie, les gouvernements successifs ayant multiplié les mesures destinées à remplir le panier de la ménagère sans jamais y parvenir. Faisant état d’une baisse des prix de l’essence, du gas-oil, du pétrole lampant et du gaz butane, la note publiée le 29 décembre dernier par le président de la Commission nationale des prix des pétroliers (CNPP) est une initiative en ce sens. Se fondant sur les dispositions en vigueur, elle vise à alléger les charges des transporteurs, restaurateurs et autres utilisateurs de moteurs à compression, notamment les groupes électrogènes. Par conséquent, elle a aussi pour objectif de réduire la pression sur les ménages à travers la baisse des dépenses courantes, singulièrement celles liées au transport, à l’éclairage et même à l’alimentation.

Quelques fondamentaux

En s’attaquant aux coûts des produits pétroliers, la CNPP a voulu mettre en lumière l’importance de l’énergie et des conditions d’accès à celle-ci. En voulant contribuer à la réduction de la vulnérabilité des populations, elle a involontairement relancé le débat sur l’efficacité du mécanisme de stabilisation. Or, dans une note de conjoncture datée d’avril 2023, la Banque mondiale juge les subventions aux carburants inappropriées, les présentant comme un obstacle à l’«allocation efficace des ressources budgétaires vers les secteurs, les ménages et les entreprises qui pourraient en avoir davantage besoin». «De telles réformes devraient être conçues en consultation avec les principales parties prenantes et accompagnées de mécanismes de compensation de manière à minimiser d’éventuels chocs à court et à moyen terme sur les ménages et les entreprises», tranche-t-elle.

Sans se faire le relais des institutions financières internationales ni dénier aux gouvernants leur droit à la décision, il faut rappeler quelques fondamentaux. Jusque-là composées de la subvention à la Société gabonaise de raffinage (Sogara) et d’une exonération de la Taxe sur valeur ajoutée (TVA) appliquée au gaz butane, les subventions aux produits pétroliers n’ont cessé de croître : entre 2021 et 2022, elles sont passées de 0,38 % à 0,73% du Produit intérieur brut (PIB), soit 100,6 milliards de francs CFA, équivalent à deux tiers des dépenses de santé, et plus de la moitié de celles consacrées à l’éducation. Ce montant va-t-il gonfler ? À quel niveau se situera-t-il ? L’Etat aura-t-il les moyens de cette politique ? Pourra-t-il maintenir un niveau élevé d’investissement dans les infrastructures et le capital humain ? A-t-il procédé à des simulations préalables ? Sans réponse à ces questions, la pertinence de la décision de la CNPP est difficilement appréciable.

Débat froid et rigoureux

Annoncée dans l’euphorie des fêtes de fin d’année et de la célébration des 100 jours de la chute du régime d’Ali Bongo, cette mesure intervient après l’adoption de la loi de finances. Autrement dit, pour l’exercice 2024, les objectifs et programmes ont déjà été déterminés. Il en va de même pour la nature, le montant, l’affectation des ressources et charges de l’Etat. Ainsi, les recettes issues des taxes sur le carburant devraient connaitre une baisse de près de 28%. Or, elles comprennent une Redevance d’usure de la route (RUR) destinée au financement du Fonds autonome national d’entretien routier (Faner). À l’évidence, la CNPP n’a pas tenu de tous ces éléments. Pouvait-elle faire autrement ? A-t-elle obéit à une injonction de l’exécutif ? Pour l’heure, on relèvera un fait :  son communiqué a été signé deux jours avant les vœux à la nation du président de la Transition.

Soucieuse de gagner du pouvoir d’achat, l’opinion a salué la mesure tout en évoquant la nécessité de restructurer et remettre la Sogara à flots. «La diminution du prix du gaz touche le panier de la ménagère», «il faut envisager la construction d’une nouvelle raffinerie», a-t-on notamment pu lire çà et là. Si un collectif budgétaire venait à être proposé, il faudrait tenir compte de tous ces aspects et de bien d’autres encore, notamment le renforcement du système de prévoyance sociale, la restructuration du secteur des transports, la promotion de la transparence dans la gestion des finances publiques, l’accroissement des investissements productifs, la remise à niveau des services publics…   Au lieu de danser le tango ou de céder aux pressions diverses, l’exécutif doit initier un débat froid et rigoureux sur les subventions aux produits pétroliers. Dans son intérêt, comme dans celui des populations, il doit fixer les orientations, avant d’arrêter des mesures économiquement viables et socialement équitables.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour R. Bouenguidi,

    Dans votre analyse économique, il y a deux sujets juxtaposés pas forcément éloignés: (1) les subventions en tant mécanisme de régulation des activités des entreprises et (2) les politiques de lutte contre la baisse (pour la variation positive) du pouvoir d’achat.

    Le lien de causalité (ou bien de corrélation linéaire) entre subventions et l’augmentation du pouvoir d’achat est à démontrer via une étude longitudinale (à long terme) plus ou moins variable en durée. En Sciences économiques, on peut opter pour une étude de 3 à 4 ans (cycle Kitchin), 8 à 10 ans (cycle Juglar), de 15 ans 25 ans (cycle Kuznets et de 40 à 60 ans (cycle Kondratiev).

    Vous posez les bases d’une étude statistique intéressante. Par ailleurs, il convient de noter que pour lutter contre l’inflation, on peut diminuer les cotisations patronales, diminuer les charges salariales, augmenter le salaire minimum ou de référence (par exemple de 150.000 Fcfa à 300.000 Fcfa), etc. Il n’y a pas qu’une seule mesure à mettre en place. Mais plusieurs. Dans une fonction explicative du pouvoir d’achat, il y a des variables endogènes et exogènes.

    Si on veut expliquer le pouvoir d’achat, alors il faut conjuguer un semble de mesures.

    Variation du Pouvoir d’Achat = Variation du Salaire de référence * (Variation des Charges Patronales + Variations Charges salariales) + (Variation des subventions *Variation de la Politique Fiscale) + µ, µ est un paramètre à définir.

    Cordialement.

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