En dérogeant aux principes édictés par la Charte de transition, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) pourrait sombrer dans l’arbitraire, prenant le risque d’une désaffection populaire.

Ni la Charte de la transition ni la Constitution du 26 mars 1991 ne font mention de la prestation de serment. De ce point de vue, la cérémonie du 12 septembre n’aurait jamais dû avoir lieu. S’il veut mener à bien sa mission, le CTRI ne doit pas se laisser distraire par des fausses bonnes idées. © D.R.

 

S’étant dit déterminé à corriger les dérives de la «gouvernance imprévisible, irresponsable» caractéristique des années Ali Bongo, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) devrait se montrer plus prudent. Comme le respect de la règle de droit, l’égalité de tous devant elle, la séparation des pouvoirs ou la hiérarchie des normes doivent guider son action. En dérogeant à ces principes, il pourrait sombrer dans l’arbitraire, prenant le risque d’une désaffection populaire. C’est, en tout cas, la crainte générée par la récente prestation de serment du gouvernement. D’apparence normale et réputée conforme aux usages, cette cérémonie n’a nullement donné des garanties de bonne gouvernance. Bien au contraire. Elle a ravivé les souvenirs d’un passé pas si lointain, suscitant le débat sur l’attachement à la loi.

Fonctionnement erratique

On peut plaider la faute d’inattention ou demander de l’indulgence. Mais, cette prestation de serment n’avait aucun fondement juridique. Autrement dit, elle semble avoir été décidée pour convenances personnelles. Mais d’où émanait cette idée ? Pourquoi personne n’en a pointé l’incongruité et les risques y associés ? Pourquoi le Premier ministre n’a-t-il pas attiré l’attention du CTRI ? Pourquoi la Cour constitutionnelle s’est-elle prêtée à ce jeu ? Mystère et boule de gomme. Sauf à exhumer la Constitution en vigueur avant les événements du 30 août dernier ou à fouler au pied les dispositions de la Charte de transition, on ne saurait l’expliquer. A moins de se satisfaire d’un fonctionnement erratique, on ne peut le comprendre.

Pour restaurer les institutions, il faut appliquer les principes de bonne gouvernance. Pour prêter ou recevoir un serment, il faut s’appuyer sur des dispositions juridiques. Apparue au lendemain de la révision constitutionnelle de janvier 2018, la prestation de serment était codifiée par l’article 15 de la Constitution. N’ayant pas repris cette disposition dans la Charte de transition, ayant choisi de revenir à la lettre initiale de la Constitution du 26 mars 1991, le CTRI a pris le parti d’abandonner cette pratique. Du coup, on peut s’interroger sur la valeur institutionnelle et la portée politique ou morale du serment du gouvernement Ndong Sima.  N’est-il pas nul et de nul effet ? Peut-on faire comme si de rien n’était ? Ne faut-il pas s’en inquiéter et alerter sur les risques inhérents à l’esprit de cour ?

La cérémonie du 12 septembre n’aurait jamais dû avoir lieu

S’il faut éviter de tomber dans des procédés dignes de l’ordre ancien, il faut veiller à une stricte application de la loi. Or, ni la Charte de la transition ni la Constitution du 26 mars 1991 ne font mention de la prestation de serment. De ce point de vue, la cérémonie du 12 septembre n’aurait jamais dû avoir lieu. En fait, les ministres auraient dû prendre leurs fonctions dans la plus grande simplicité. La transition étant par définition une période d’exception, même les passations de charges n’étaient pas nécessaires, le régime précédent ayant été renversé. En se prêtant à ce double exercice, le CTRI a fait comme s’il s’inscrit dans la continuité et non pas dans la rupture avec le pouvoir symbolisé par le Parti démocratique gabonais (PDG). Au-delà, il a laissé le sentiment de recycler certaines pratiques, y compris les plus décriées. En avait-il besoin ? On peut en douter.

En 2014 au Burkina Faso, le régime de transition se démarqua nettement du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) de l’ancien président Blaise Compaoré, se permettant même de prononcer sa suspension temporaire pour «activités incompatibles avec la loi». Sans encourager le CTRI à aller aussi loin, on peut lui demander d’affirmer son rejet d’une pratique politique où le culte de la personnalité côtoie l’abus de pouvoir, la fraude à la loi et le détournement des procédures. Demandeur d’une gouvernance plus respectueuse de la règle de droit, plus juste, plus inclusive et plus transparente, le peuple lui en saura forcément gré. S’il veut mener à bien sa mission, le CTRI ne doit pas se laisser distraire par des fausses bonnes idées. Tout en demeurant fidèle à l’esprit et à la lettre de sa déclaration du 30 août, il doit agir dans le cadre tracé par la Charte de transition et rien d’autre.

 
GR
 

9 Commentaires

  1. Gayo dit :

    Espérons que Oligui NGUEMA n’est pas aussi mal entouré que l’était Ali Bongo et qu’écoute les meilleurs dans leur domaine et non les charlatans pédégistes qui n’ont plus à démontrer leur médiocrité et leur amateurisme teinté d’un mépris pour le respect de la loi.

  2. Gayo dit :

    La personne qui a voulu faire prêter serment à Oligui devant 3M est la même qui a organisé cette prestation de serment sans fondement. Et Oligui continue avec ce médiocre, cet amateur qui n’a que comme première qualité la vénération du système Bongo teinté d’un mépris pour la lecture et le respect de la loi.

  3. Serge Makaya dit :

    Peut être un oubli de mon fils Brice Clotaire Oligui Nguema. J’ose ne pas croire qu’il l’a fait sciemment. Merci ma fille Roxanne pour ce détail. A-t-il au moins un ou deux BONS CONSEILLERS (un homme et une femme) ?

    Mon fils Brice Clotaire Oligui Nguema, pense à t’entourer au moins de 2 BONS CONSEILLERS près de toi pour te rappeler certaines choses et te prodiguer de sages conseils. Comme conseiller homme, je te propose l’activiste Thibault Adjatys qui est France actuellement. Et comme femme, je te propose ma fille Roxanne Boenguidi qui a rédigée cet article. Akiba mon fils Brice Clotaire Oligui Nguema. Akiba.

  4. Yvette Ndong dit :

    Tout ce que je peux dire c’est que je reste confiant quant au désir réel des militaires de changer en bien notre pays. C’est peut-être un oubli de la part du président de la Transition. Nous devons donc le lui rappeler. Merci pour l’article Mme Roxanne Bouenguidi. Et demeurons tout de même confiants quant à l’avenir du Gabon.

  5. Rembourakinda dit :

    Pitié!!! Il y a du boulot. Ils ont tous un complexe, alors on en fait des tonnes. Bongo est parti, mais il a laissé son cloon. Le Général Oligui Nguema n’est pas élu, donc il doit avoir le triomphe modeste. En ce qui concerne le porte parolat, je suis choqué de voir Mme Laurence Ndong réduite à faire le perroquet en lisant un communiqué, je l’imaginais répondre aux journalistes car elle est douée pour ça, montrer aux gabonais ce qu’est une conférence de presse. Maintenant qu’elle a prêté serment, je crains qu’elle ne soit tombée dans le piège. Dommage, je l’aimais bien.

  6. Diakurenguili dit :

    Ma pierre à l’édifice,

    la Charte de transition du CTRI ne date que de quelques jours et elle a été pensée dans l’urgence à en croire les évènements du 30 aout dernier. En droit (je suis juriste)les textes souffrent souvent de manquements, de généralités absurdes et de dispositions absentes, c’est la raison pour laquelle il existe des mécanismes de révision.
    La Charte de Transition gabonaise comporte des manquements, mais nous ne devons pas pour autant vite nous acharner sur la bonne volonté des militaires. En exemple, je traite dans deux pays d’Europe sur une loi qui doit réprimer les multinationales qui se méconduisent dans les pays d’Afrique et d’Amérique du Sud (la diligence raisonnée) qui malheureusement est plate, car elle n’arrive pas à réprimander le comportement abjecte de certaines multinationales qui causent des dégâts sur l’environnement. Ce n’est juste qu’un exemple pour attirer l’attention sur les réalités des textes juridiques.
    La critique est importante mais qu’elle s’inscrive dans l’objectivité. Le Gabon traverse une période unique de son histoire et seul l’union fera sa force.
    Je conçois aussi les blessures profondes du peuple qui l’emmène facilement à douter, à crier ce qui est tout à fait normal. Mais comme dans la vie même après une rupture sentimentale, amicale nous ne fermons jamais la porte à l’espoir, il faut oser y croire une fois de plus qui sait si cette fois n’est pas la bonne.

    Le monde vous regarde gabonais!

    PS: En espérant que les auteurs de la Charte tirent des leçons sur ce manquement important pour l’avenir.

    Respectueusement

  7. Bertin dit :

    bonne analyse, merci pour cet article
    il faut qu’on arrête d’accuser l’entourage du Chef, du moment que c’est lui qui choisit en toute indépendance son entourage donc il est également le seul responsable des actes posés

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